Le chef du mouvement islamiste palestinien Hamas, Khaled Mechaal, a rejeté jeudi toute tentative qui viserait à désarmer ses combattants dans la bande de Gaza, l'une des exigences d'Israël en vue d'un accord à long terme.

«Les armes de la résistance sont sacrées. Et nous n'accepterons pas qu'elles soient à l'ordre du jour» des prochaines négociations prévues par l'accord de cessez-le-feu, a déclaré M. Mechaal lors d'une conférence de presse à Doha (Qatar) où il vit en exil.

«Cela ne peut faire l'objet de marchandages ou de négociations. Personne ne peut désarmer le Hamas et sa résistance», a-t-il ajouté, défiant ainsi le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou qui pose le désarmement du mouvement islamiste comme préalable à toute solution à long terme.

Un accord de cessez-le-feu est observé depuis mardi entre Israël et les islamistes palestiniens après 50 jours d'une guerre qui a fait plus de 2140 morts et 11 000 blessés parmi les Gazaouis et 70 morts côté israélien.

Il prévoit notamment l'allègement du blocus de Gaza imposé depuis 2006 par Israël et qui asphyxie les 1,8 million d'habitants de l'enclave palestinienne.

Outre la démilitarisation, la réouverture de l'aéroport et du port maritime de Gaza doivent être discutées au Caire.

«Les armes de la résistance sont la garantie que nos revendications ne seront pas contournées», a affirmé le chef du Hamas.

Khaled Mechaal a également confirmé que Mohammed Deif, chef du bras armé du mouvement, avait réchappé à une tentative israélienne d'élimination au cours de laquelle son épouse et deux enfants ont été tués.

«Mohammed Deif se porte bien, contrairement aux voeux de l'occupation», a-t-il dit, sans donner plus de détails.

Cette guerre à Gaza «est une étape importante sur la voie de la libération et la fin de l'occupation» des territoires palestiniens, a-t-il martelé, ajoutant que son mouvement «n'avait pas obtenu satisfaction sur toutes ses demandes (...) mais sur une partie importante d'entre elles», citant notamment le blocus de Gaza.

Il a, dans ce contexte, pressé les autorités égyptiennes d'ouvrir le point de passage de Rafah. «Il est du devoir de nos frères en Égypte d'ouvrir rapidement Rafah», a-t-il dit, en louant la médiation du Caire dans la conclusion de la trêve.

Selon lui, les combattants palestiniens ont battu en brèche «d'une manière sans précédent l'idée selon laquelle l'armée israélienne est invincible». Avec cette guerre, les insurgés islamistes sont parvenus à créer «un équilibre en vertu duquel la peur et l'insécurité sont partagées».

Khaled Mechaal a réaffirmé l'engagement du Hamas à poursuivre le processus de réconciliation avec l'Autorité palestinienne, assurant «se tenir aux côtés du gouvernement d'union», en place depuis le 2 juin qui, a-t-il dit, peut «exercer toutes ses prérogatives à Gaza comme en Cisjordanie».

Mais il a exclu une visite rapide du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas dans la bande de Gaza, contrôlée par son mouvement. «Nous attendons les conditions propices» pour une telle visite, a-t-il dit.

De l'aide humanitaire et des produits de consommation commençaient à entrer dans la bande de Gaza, dévastée par 50 jours d'un conflit meurtrier, les Gazaouis plaçant désormais tous leurs espoirs dans l'allègement du blocus imposé par Israël, prévu par l'accord de cessez-le-feu.

Mardi soir, Israéliens et Palestiniens ont mis un terme à la guerre, la troisième en six ans à Gaza, en acceptant cet accord. Depuis que les armes se sont tues, les Gazaouis tentent de revenir à un semblant de vie normale dans le territoire ravagé par le pilonnage de l'aviation israélienne. Outre les pertes humaines, la bande de Gaza a enregistré d'importants dégâts matériels. Près d'un demi-million de Gazaouis, soit le quart de la population, ont été déplacés par les violences et tous ne retrouveront pas un abri de sitôt : près de 55 000 maisons ont été touchées par les frappes israéliennes, dont au moins 17 200 totalement ou quasi totalement détruites, selon l'ONU, selon laquelle au moins 100 000 personnes ont actuellement besoin d'une solution de relogement.

Le blocus qui asphyxie l'enclave palestinienne et son économie empêchait l'entrée de nombreux matériaux de construction, Israël refusant de laisser passer tout produit pouvant servir à la fabrication d'armes, notamment de roquettes, régulièrement tirées sur son sol. Mais après l'accord conclu sous l'égide des Égyptiens, l'État hébreu s'est engagé à desserrer l'étau sur Gaza.

La zone de pêche a été ramenée mercredi à six milles nautiques et ce plafond devrait atteindre 12 milles à terme. En outre, Israël a indiqué qu'il allègerait les restrictions sur l'entrée des biens à Gaza, en autorisant aux deux points de passage, Erez et Kerem Shalom, l'aide humanitaire et certains matériaux de construction.

Aide humanitaire et biens de consommation

Jeudi, à Kerem Shalom, une longue file de camions était visible. La plupart étaient chargés de marchandises pour les magasins de Gaza, tandis que certains, flanqués du sigle de l'agence de l'ONU pour l'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), apportaient de l'aide humanitaire. Aucun matériau de construction n'était visible en revanche.

«Pendant la guerre, on traversait, mais seulement avec de l'aide. Aujourd'hui, j'apporte des produits destinés aux magasins de Gaza», a indiqué à l'AFP Abou Amer, alors que son camion passait à l'inspection.

Les Israéliens contrôlent toutes les ouvertures de Gaza sur le monde, à l'exception du point de passage de Rafah, qui relie l'enclave à l'Égypte. Mercredi, pour la première fois depuis 2007, un convoi d'aide humanitaire du PAM (Programme alimentaire mondial) a pu traverser la frontière égyptienne pour entrer dans la bande de Gaza, avec suffisamment de nourriture pour 150 000 personnes pendant cinq jours.

Plus de 200 tonnes d'aide humanitaire, de la nourriture et des médicaments envoyés par l'Arabie Saoudite, le Sultanat d'Oman et la Turquie, sont également entrées mercredi dans la bande de Gaza par Rafah.

Réunion sur les points de passage

Une réunion entre responsables israéliens et palestiniens était prévue dans l'après-midi pour déterminer les procédures aux points de passage, a indiqué à l'AFP Raëd Fattouh, le chef du comité de liaison. Selon lui, le trafic à Erez et Kerem Shalom devait reprendre comme avant la guerre, le temps que les deux parties négocient les nouvelles procédures pour la mise en place effective des aménagements prévus par l'accord de cessez-le-feu.

Dans le territoire exigu où Israéliens et Palestiniens s'affrontent depuis près de 50 ans, la précédente guerre, en 2012, s'était soldée par un accord quasi similaire. À l'époque, le blocus imposé depuis 2006 n'avait pas été allégé.

Par ailleurs, l'accord conclu mardi reporte les discussions sur les questions les plus sensibles, comme la libération de prisonniers palestiniens, la réouverture de l'aéroport à Gaza ou la démilitarisation de l'enclave, à des pourparlers prévus au Caire sous un mois.

Si les gains des deux belligérants à l'issue de ce conflit dévastateur sont loin d'être clairs, les dirigeants du Hamas, invisibles pendant la guerre, sont ressortis mardi soir pour célébrer devant une foule en liesse la «victoire», assurant aux Gazaouis qu'ils auraient bientôt un aéroport et un port.

Un espoir douché mercredi par un proche du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou qui a asséné qu'il n'y aurait «pas de port, pas d'aéroport, et aucun matériel pouvant servir à la production de roquettes ou pour creuser des tunnels n'entrera» à Gaza.

Et dans sa première déclaration publique depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, M. Nétanyahou a affirmé que le Hamas n'avait obtenu «aucune de ses demandes», ajoutant que le mouvement islamiste «n'avait pas subi une telle défaite depuis sa création».

Côté israélien, un sondage publié jeudi révèle qu'une majorité d'Israéliens - 54 % - estime que ni Israël ni le Hamas ne sont sortis vainqueurs de la guerre après 50 jours de combats.

-Avec Adel Zaanoun