Les Américains ont remporté une bataille dans la guerre qu'ils livrent à l'État islamique, ce groupe qui sème la terreur en Syrie et en Irak. Hier, le président Obama a annoncé que les milliers de réfugiés de la minorité yézidie qui étaient assiégés dans les monts Sinjar avaient été libérés grâce aux frappes aériennes que mènent les États-Unis depuis une semaine.

«Nous avons brisé le siège de l'État islamique dans les monts Sinjar et sauvé beaucoup de vies innocentes», a déclaré Barack Obama, avant d'ajouter que les évacuations de masse prévues dans la région n'étaient plus nécessaires.

M. Obama a affirmé du même souffle que l'armée américaine allait poursuivre ses frappes contre l'État islamique en Irak.

Selon les experts, cette guerre pourrait être aussi dure que longue. «C'est évidemment une bonne nouvelle que les yézidis soient libérés. Mais il s'agit d'une très petite victoire compte tenu de l'ampleur du défi», a expliqué à La Presse Michael O'Hanlon, expert en affaires étrangères à la Brookings Institution de Washington.

«Ce sera une bataille très difficile. Je crois que ce sera substantiellement plus difficile que la lutte contre les talibans en Afghanistan en 2001.»

Les avancées de l'État islamique

Après avoir combattu le régime du président Bachar al-Assad en Syrie, l'État islamique a fait de spectaculaires avancées en Irak dans les dernières semaines. Le groupe contrôle aujourd'hui de vastes zones de la Syrie et de l'Irak, où il a décrété un nouvel État régi par la loi islamique. Le chef du groupe, Abou Bakr al-Bagdhadi, s'est du même coup proclamé calife, c'est-à-dire chef de tous les musulmans.

L'État islamique a réussi à ravir tout un arsenal militaire à l'armée irakienne. Connu pour sa brutalité extrême, il s'est emparé de villes importantes comme Mossoul, Tikrit et Falloujah, en plus d'installations pétrolières et du plus gros barrage hydroélectrique d'Irak.

Il y a une dizaine de jours, le groupe a poursuivi son avancée dans le Kurdistan autonome, d'où il a chassé des dizaines de milliers de Kurdes, de chrétiens et de yézidis (le yézidisme est une religion préislamique). C'est à ce moment que les Américains ont annoncé des frappes aériennes.

Une guerre difficile

Michael O'Hanlon croit que les États-Unis parviendront à empêcher l'État islamique de s'emparer de nouveaux territoires. Mais le chasser des zones qu'il tient déjà sera une autre paire de manches. Et selon l'expert, c'est le but ultime de Washington, même si cela n'a pas été annoncé clairement.

«Le but doit être de chasser l'État islamique des zones populeuses, dit M. O'Hanlon. Cela lui donne trop d'accès aux gens, aux ressources, aux moyens de se cacher. Ce n'est pas tolérable compte tenu de son idéologie et de ses ambitions.»

Pour cela, l'expert croit que les frappes aériennes seront insuffisantes. Puisque les Etats-Unis n'ont aucun désir d'envoyer à nouveau des troupes en Irak, ils devront aider l'armée irakienne à se restructurer et l'assister de façon importante.

«On ne sait pas combien de temps il faudra, on ne sait pas qui seront nos partenaires. Mais ça va durer plusieurs mois, sinon davantage», dit M. O'Hanlon.

La France a pour sa part annoncé hier qu'elle allait fournir des «armées sophistiquées» aux forces kurdes qui combattent l'État islamique. Londres a aussi annoncé un appui, alors que la communauté internationale poursuit ses efforts afin d'alléger les souffrances des populations chassées par l'État islamique.

- Avec AFP

L'ex-premier ministre renonce au pouvoir

Pendant que la bataille militaire contre l'État islamique se poursuit en Irak, celle, politique, qui opposait l'ex-premier ministre Nouri al-Maliki à son successeur vient de prendre fin. Évincé de ses fonctions par le président de l'Irak lundi dernier, M. al-Maliki avait déployé les milices de l'armée qui lui étaient restées fidèles à Bagdad et voulait contester en cour la légitimité du nouveau premier ministre, Haïdar al-Abadi, faisant planer le spectre d'un affrontement armé. Il a annoncé hier qu'il reconnaissait sa défaite et renonçait à se battre pour son poste. Sami Aoun, professeur à l'Université de Sherbrooke et directeur de l'Observatoire sur le Moyen-Orient de la Chaire Raoul-Dandurand, explique que l'homme était extrêmement isolé: «Il avait perdu le soutien de Washington, de l'Iran et même de l'ayatollah Ali Al-Sistani, un chiite comme lui.»