Outrés par le dynamitage de monuments historiques de Mossoul par les djihadistes, des habitants de la deuxième ville d'Irak ont lancé le premier mouvement de résistance armé contre les insurgés sunnites.

Le 10 juin, le groupe ultra-radical de l'État islamique (EI) a rencontré peu de résistance des forces de l'ordre pour s'emparer de Mossoul, grande ville du nord de l'Irak, dont la prise a été suivie par une offensive fulgurante qui a vu les djihadistes s'emparer de pans entiers de territoires dans le nord, l'ouest et l'est du pays.

Mais aujourd'hui, certains habitants comme Anwar Ali, 23 ans, sont bien décidés à bouter les djihadistes hors de la cité dont un quart de la population a fui après le 10 juin.

Le jeune homme espère que la mort de quatre djihadistes, abattus selon lui par des tireurs embusqués dimanche, donnera de l'essor à un soulèvement populaire contre les nouveaux maîtres de Mossoul. Des témoins et le gouverneur de la province de Ninive, Atheel al-Noujaïfi, ont eux évoqué cinq djihadistes tués au cours du week-end.

«Avec un groupe composé principalement d'étudiants, mais aussi de fonctionnaires et de commerçants, j'ai rejoint ce que nous avons appelé les Kataeb al-Mossoul (les brigades de Mossoul)», explique Anwar Ali à l'AFP.

«Certains ont suggéré qu'on nomme le groupe Armée de Nabi Younès», poursuit-il, en référence au dynamitage devant une foule le 24 juillet de la tombe du prophète Jonas (Nabi Younès).

D'autres lieux de sépulture, notamment celui de Seth (Nabi Chith) -- considéré comme le troisième fils d'Adam et Eve dans la tradition juive, islamique et chrétienne -- ont été dynamités et les djihadistes menacent de poursuivre la destruction de sites historiques et religieux.

C'est «une tentative de supprimer l'identité de Mossoul», estime Anwar Ali alors que les insurgés ont menacé de s'en prendre au «bossu», surnom d'un minaret du XIIe siècle à la forme légèrement inclinée et emblématique de la ville.

Si les sunnites, majoritaires à Mossoul, ont d'abord trouvé un répit appréciable après la fuite des policiers chiites décriés pour leurs exactions, le dynamitage des sanctuaires a constitué «un tournant», assure le gouverneur.

Sans ces destructions, «les brigades de Mossoul seraient restées cachées plus longtemps», estime-t-il, s'exprimant depuis le Kurdistan irakien où il s'est exilé.

La 'tour Eiffel' de Mossoul 

Un officier de ces nouvelles brigades a affirmé à l'AFP que ses hommes étaient prêts à «plus d'opérations», appelant la population à ne pas coopérer avec l'EI.

Les démolitions semblent également avoir ôté aux djihadistes certains de leurs soutiens traditionnels.

«Vous assurez suivre la voie du Prophète, mais vous êtes les premiers à vous écarter de sa parole», a reproché sur un forum djihadiste un internaute, écrivant sous le nom de Farouk al-Irak.

Selon lui, la destruction de sanctuaires n'a aucune justification théologique, à l'inverse de ce qu'affirment les djihadistes qui ont proclamé fin juin un «califat» islamique sur les zones qu'ils contrôlent en Irak et en Syrie.

Pour Ihsan Fethi, membre de la société des architectes irakiens, seule «une opposition populaire pourrait permettre de sauver les monuments restants».

«Je suis conscient de demander quelque chose d'extrêmement difficile au regard des horribles exactions commises par ces fanatiques, mais du courage est nécessaire avant qu'il ne soit trop tard», dit-il.

Selon des témoins, des habitants auraient formé une chaîne humaine autour du «bossu», lorsque les djihadistes ont menacé ce monument.

Les combattants de l'EI, qui seraient 5000 à 10 000 à Mossoul, «ne seront pas assez nombreux si un certain nombre d'habitants décident» de s'en débarrasser, commente Patrick Skinner, analyste pour le groupe américain Soufan Group.

«Il y aurait un bain de sang, mais (les djihadistes) seraient chassés en quelques heures», selon lui.

Il met lui aussi en garde contre la destruction du «bossu», imprimé sur les coupures de 10 000 dinars.

Ce monument «est comme la tour Eiffel de Mossoul. Sa destruction déclencherait (...) une réaction nationale».

«Les brigades de Mossoul n'ont pas actuellement de financement (...) (mais) si elles obtiennent de l'aide, elles peuvent vaincre l'EI car elles ont le soutien de la population», estime pour sa part le gouverneur, appelant à une aide étrangère.

«En attendant, elles peuvent au moins faire en sorte que l'EI n'ait pas la paix».