Lorsque la sirène a retenti mardi soir dans les rues de Jérusalem, les passants se sont figés, ne sachant trop que faire.

Ailleurs, dans les villes frontalières de la bande de Gaza, chacun sait où se trouvent les abris et connaît par coeur les gestes élémentaires pour se protéger des roquettes palestiniennes. Mais la ville sainte avait jusqu'ici été épargnée.

«On se trouve ici à plus de 80 km de la bande de Gaza. Pour nous, les roquettes, c'était une réalité lointaine. Pour la première fois, j'ai dû réveiller mes enfants et m'abriter dans la cage d'escalier de l'immeuble. C'est une sensation très désagréable», déplore Michael Levi, un résidant du centre-ville.

Jeudi soir, la sirène a de nouveau retenti. Ce ne sont pourtant pas les roquettes qui tourmentent Jérusalem. Comme toutes les agglomérations israéliennes, la ville est protégée par le très efficace Dôme de fer, un système antimissile qui parvient à détruire 90% des roquettes en plein vol. Le véritable motif d'inquiétude, c'est la haine qui suinte à nouveau.

La semaine dernière, le corps d'un jeune Palestinien a été retrouvé dans une forêt à l'entrée de la ville. Rapidement, la police a arrêté un petit groupe de jeunes extrémistes juifs. Ils sont soupçonnés d'avoir enlevé le garçon devant chez lui, dans un quartier cossu de Jérusalem-Est, et de l'avoir brûlé vif. Cet assassinat barbare a bouleversé Israéliens comme Palestiniens. Il a aussi ébranlé le fragile équilibre entre les communautés. Durant plusieurs jours, les quartiers arabes ont été le théâtre d'affrontements entre jeunes Palestiniens et forces de l'ordre.

Fragile équilibre

Zaki fait partie de ceux qui ont défié la police israélienne, pierres à la main. Cet étudiant élégant et posé paraît bien différent des gamins déshérités de Gaza ou des camps de Cisjordanie. Il partage pourtant leur idéologie. «Nous voulons montrer à Israël que, malgré l'annexion des quartiers arabes de Jérusalem en 1967, nous nous considérons toujours comme des Palestiniens. Mais nous n'avons aucune confiance en Mahmoud Abbas [président de l'Autorité palestinienne]. Il est vendu à Israël et à l'Occident», explique Zaki, le regard plein de colère.

Pour lui, les véritables représentants du peuple palestinien se trouvent à Gaza. Lorsque les roquettes du Hamas ont visé Jérusalem, un groupe de fidèles musulmans s'est spontanément rendu sur l'esplanade des Mosquées pour acclamer cette «bonne nouvelle venue du ciel».

La scène de liesse a provoqué un certain malaise parmi les Juifs, qui forment les deux tiers de la population de Jérusalem. Bien que les communautés vivent dans des quartiers distincts, Juifs et Arabes se croisent chaque jour au travail, à l'université ou au centre commercial.

Pour l'instant, les touristes sont toujours aussi nombreux et partout se dressent des immeubles flambant neufs témoignant d'un essor économique inédit. Mais chacun sait ici à quel point la paix est fragile.