Le chef de l'opposition chiite bahreïnie doit comparaître jeudi devant le parquet de Manama après avoir été interrogé par la police sur sa rencontre avec un responsable américain déclaré persona non grata par les autorités, a indiqué son mouvement mercredi.

Cheikh Ali Salmane, le secrétaire général d'Al-Wefaq, et son adjoint Khalil Marzouq, ont été notifiés de leur convocation après avoir été interrogés séparément mercredi sur leur «rencontre avec le secrétaire d'État adjoint américain», Tom Malinowski, et «sur la situation politique à Bahreïn et dans la région», selon leur mouvement.

Le ministère de l'Intérieur a confirmé que les deux opposants avaient été interrogés sur cette rencontre.

Ces développements «accentuent la crise» politique à Bahreïn et témoignent de «l'absence de volonté de dialogue» de la part des autorités, a déploré mercredi Al-Wefaq, principale formation de l'opposition chiite.

Selon un communiqué du ministère de l'Intérieur, la réunion à l'ambassade des États-Unis à Manama «viole» une loi selon laquelle toute rencontre entre des groupes politiques et des parties étrangères «devrait être coordonnée avec le ministère des Affaires étrangères» et se dérouler en présence d'un représentant du gouvernement.

Cette loi de septembre 2013 prévoit aussi que le ministère de la Justice, responsable des associations politiques, soit informé de ce genre de rencontres «au moins trois jours à l'avance».

Les autorités bahreïnies ont demandé lundi à Tom Malinowski de quitter le pays après sa rencontre avec cheikh Ali Salmane et d'autres dirigeants de l'opposition. Elles ont dénoncé le fait que M. Malinowski se soit ainsi «ingéré dans les affaires intérieures de Bahreïn».

Le gouvernement des Émirats arabes unis, proche allié des États-Unis dans le Golfe, s'est déclaré «solidaire de la décision souveraine» prise par Manama «pour s'assurer le respect des normes diplomatiques par les responsables étrangers en visite» à Bahreïn.

Dans un communiqué publié mercredi par la presse locale, le ministère émirati des Affaires étrangères ajoute que «Bahreïn a le plein droit souverain [...] d'interdire» les contacts de responsables étrangers avec «des groupes internes qui justifient, incitent et pratiquent la violence et mettent à profit leurs contacts étrangers pour apporter de fausses informations sur Bahreïn».

M. Malinowski était un haut responsable de l'ONG Human Rights Watch (HRW) avant d'être nommé secrétaire d'État adjoint en avril, et il avait à ce titre vivement critiqué la répression à Bahreïn du mouvement de contestation lancé en 2011.

Petit royaume dirigé par la dynastie sunnite des Al-Khalifa, Bahreïn - qui abrite le siège de la Ve Flotte américaine - est secoué depuis février 2011 par un mouvement de contestation animé par la majorité chiite, qui réclame une monarchie constitutionnelle.

Les forces de l'ordre, aidées par des troupes saoudiennes, ont écrasé ce mouvement en mars 2011, mais des manifestations éclatent toujours régulièrement dans des villages chiites et dégénèrent souvent en heurts avec la police.