Le nombre de victimes civiles du conflit afghan a fortement augmenté cette année selon l'ONU, signe inquiétant de l'intensification des combats dans les zones peuplées à six mois du retrait de l'OTAN et en pleine crise autour de l'élection présidentielle.

Dans son rapport semestriel, publié mercredi, la mission de l'ONU en Afghanistan (UNAMA) a recensé une hausse de 24 % du nombre de civils tués ou blessés par des combats, bombes artisanales ou attentats-suicide entre le 1er janvier et le 30 juin, par rapport à la même période de 2013.

Sur les 4853 victimes, 1564 sont décédées (+17 %) et 3289 ont été blessées (+28 %).

Il s'agit de la plus forte augmentation observée par l'ONU depuis qu'elle a commencé à recenser ces chiffres en Afghanistan en 2009.

L'UNAMA l'explique par la recrudescence des combats au sol, dont le nombre de victimes a presque doublé (+89 %) et qui désormais, avec 39 % du total, tuent ou blessent plus que les bombes artisanales (30 %).

«La nature du conflit en Afghanistan a changé en 2014 avec une escalade du nombre d'engagements au sol dans des zones peuplées», a expliqué dans un communiqué le chef de l'UNAMA, Jan Kubis.

Cela a un «impact dévastateur sur les civils afghans, y compris les plus vulnérables» comme les enfants (+34 % de tués et blessés, 295 morts et 776 blessés) et les femmes (+24 %, 148 tuées et 292 blessées), a-t-il souligné.

La publication de ce rapport semestriel, la dernière avant le départ des troupes de l'OTAN prévu à la fin de 2014, intervient alors que les combats entre les forces afghanes et les talibans redoublent d'intensité, notamment dans le Helmand (sud), un fief historique des talibans.

Outre des morts et blessés civils, ces combats sanglants ont entraîné le déplacement de dizaines de milliers de personnes.

Mercredi, 22 talibans sont morts après avoir lancé deux attaques, dont une contre le quartier général de la police de Kandahar (sud). Mais cinq policiers et quatre civils ont aussi été tués.

«Niveau de violences inédit depuis 2011»

Plusieurs attaques ont également atteint la capitale afghane la semaine dernière, dont un attentat-suicide qui tué huit officiers de l'armée de l'air.

Selon Graeme Smith, expert au groupe de réflexion International Crisis Group (ICG), «le niveau de violence atteint des sommets inédits depuis 2011, et c'est inquiétant, car il y a désormais moins de forces étrangères».

L'UNAMA attribue 74 % des victimes civiles aux insurgés, et 9 % aux forces «pro-gouvernement» (8 % pour les forces afghanes et 1 % pour les forces internationales). Le reste des victimes est le fait de munitions non explosées.

Visiblement émue en présentant le rapport à la presse mercredi à Kaboul, Georgette Gagnon, la directrice de l'UNAMA pour les droits de l'homme, a demandé aux acteurs du conflit «davantage d'efforts pour protéger les civils et s'assurer que ceux qui les tuent délibérément rendent des comptes».

Face à cette hausse importante, l'UNAMA appelle notamment les deux camps à «cesser les tirs de mortiers, roquettes et grenades» dans les zones peuplées.

La publication des chiffres de l'ONU intervient au milieu d'une crise politique aigüe concernant la désignation du successeur de Hamid Karzaï, seul homme à avoir dirigé le pays depuis la chute du régime fondamentaliste des talibans fin 2001.

Le désaccord persistant entre les deux candidats Abdullah Abdullah et Ashraf Ghani à propos du résultat du deuxième tour de la présidentielle du 14 juin fait craindre une montée des tensions communautaires, en plus des menaces des insurgés.

La tension est encore montée d'un cran mardi lorsque M. Abdullah, qui dénonce des fraudes au profit de son adversaire, s'est proclamé vainqueur de l'élection malgré les premiers résultats officiels plaçant Ashraf Ghani largement en tête (56,4 %).

Mercredi, le camp Abdullah s'est toutefois efforcé de calmer ses partisans, les appelant, via Facebook, à laisser le temps à la «diplomatie» et aux «négociations».

Malgré les appels au calme, la communauté internationale reste préoccupée par la situation afghane et en particulier les États-Unis, premier bailleur de fonds et soutien militaire du pays. Le secrétaire d'État américain John Kerry a menacé cette semaine de couper les vivres au gouvernement afghan si le conflit électoral n'était pas résolu.