Les djihadistes se sont emparés lundi de certains secteurs d'une ville stratégique du nord-ouest de l'Irak, poussant à la fuite la moitié de la population, une nouvelle avancée survenue alors que Washington envisage des frappes de drones pour aider le gouvernement irakien.

Les États-Unis, qui se sont militairement retirés d'Irak fin 2011, ont par ailleurs discuté avec l'Iran de la réponse à l'avancée jihadiste mais ont exclu toute coopération militaire avec Téhéran, avec qui ils n'ont plus de relations diplomatiques depuis 34 ans.

La semaine passée, lors d'une offensive fulgurante, les djihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) --qui bénéficient notamment du soutien de partisans du régime déchu de Saddam Hussein-- ont pris le contrôle de la deuxième ville d'Irak, Mossoul, d'une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine, Diyala (est) et Kirkouk (nord).

Lundi, les insurgés tentaient de s'emparer de la totalité de Tal Afar, une enclave chiite dans la province majoritaire sunnite de Ninive. Stratégique, cette ville est située à 380 km au nord-ouest de Bagdad sur la route vers la frontière syrienne, alors que l'EIIL aspire à créer un État islamique dans la zone frontalière.

Les forces de sécurité ont affirmé qu'elles avaient repoussé l'assaut des insurgés, mais plusieurs responsables et un habitant de la ville ont assuré que les insurgés avaient pénétré dans Tal Afar. Un responsable du gouvernement provincial de Ninive a même annoncé qu'ils en avaient pris le contrôle total.

Quelque 200 000 personnes --soit la moitié de la population de Tal Afar et de ses environs-- ont fui en raison de l'avancée des djihadistes, selon un responsable municipal, Abdulal Abbas, qui a réclamé une aide internationale.

La veille, les insurgés s'étaient emparés d'Al-Adhim, dans la province de Diyala.

Massacre «abominable»

Après plusieurs jours de débandade, les forces de sécurité irakiennes ont pourtant affirmé dimanche avoir «repris l'initiative», assurant avoir tué 279 insurgés et repris samedi deux villes au nord de la capitale.

L'EIIL, connu pour ses exactions en Syrie où il est très actif, a annoncé de son côté sur Twitter avoir massacré 1700 chiites membres des forces de l'armée de l'air, une affirmation qui n'a pu être vérifiée de manière indépendante, mais qui a provoqué une vive condamnation des États-Unis.

Dénonçant des actes «abominables», le département d'État a estimé que «l'un des premiers objectifs de l'EIIL (était) d'instaurer la frayeur dans les coeurs de tous les Irakiens et de semer la division entre les différentes confessions religieuses».

Face à l'offensive des djihadistes, qui contrôlent également depuis janvier des secteurs de la province d'al-Anbar (ouest), le secrétaire d'État américain John Kerry a indiqué que le président Barack Obama procédait à «un examen minutieux de chaque option à sa disposition», y compris des frappes de drones.

M. Kerry a par ailleurs indiqué que Washington était disposé à parler avec Téhéran de la crise en Irak. «Je n'exclurais rien qui puisse être constructif», a-t-il déclaré à Yahoo News qui l'interrogeait sur une éventuelle coopération militaire avec l'Iran.

La possibilité d'une coopération entre Téhéran et Washington a fait l'objet de «très brèves conversations», lundi, en marge des négociations à Vienne sur le programme nucléaire iranien controversé, a déclaré la porte-parole de la diplomatie américaine, Marie Harf.

«L'avenir dira si nous voulons continuer à parler avec l'Iran de l'Irak», a ajouté la responsable sur CNN.

Mais le porte-parole du Pentagone, le contre-amiral John Kirby, avait plus tôt indiqué qu'il n'y avait «aucune intention (...) pour coordonner des actions militaires entre les États-Unis et l'Iran».

Évacuation de personnel diplomatique

Inquiets de la situation, les États-Unis, l'Australie mais aussi l'ONU ont commencé à évacuer une partie de leur personnel diplomatique de Bagdad.

Cinquante-huit des quelque 200 employés internationaux de l'ONU sont ainsi partis lundi pour Amman «avec pour objectif de les réinstaller à Erbil», dans le nord de l'Irak, a annoncé l'organisation.

Des employés américains seront transférés vers les consulats d'Erbil et de Bassora (sud), des régions épargnées par les violences, et d'autres vers l'ambassade des États-Unis en Jordanie, selon le département d'État.

Barack Obama a par ailleurs annoncé le déploiement de 275 militaires américains «pour protéger les citoyens américains et les bâtiments américains si nécessaire», selon un courrier adressé au président de la Chambre des représentants et à celui du Sénat.

Alors que les divisions confessionnelles sont extrêmement fortes en Irak, l'Arabie saoudite a réclamé la formation d'un gouvernement d'union nationale.

Ryad a estimé que la politique «confessionnelle» du Premier ministre chiite Nouri al-Maliki, soutenu par l'Iran - pays à majorité chiite - , avait conduit à la déstabilisation du pays.

Les États-Unis ont demandé à ce sujet à Téhéran de ne pas agir en Irak de manière «confessionnelle», c'est-à-dire en s'abstenant d'attiser les tensions entre chiites et sunnites, selon la porte-parole du département d'État Jennifer Psaki.