Washington a condamné dimanche le massacre «horrible» perpétré par les djihadistes sunnites qui affirment avoir exécuté 1700 soldats chiites irakiens à Tikrit, tandis que les autorités irakiennes disaient avoir «repris l'initiative» face aux insurgés.

«La revendication des djihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), qui affirment avoir massacré 1700 chiites membres des forces de l'Armée de l'air irakienne est horrible et traduit la soif de sang de ces terroristes», a fustigé dans un communiqué la porte-parole du Département d'État américain Jen Psaki.

Vendredi, des tweets qui avaient été attribués à l'EIIL revendiquaient le meurtre de 1700 soldats chiites par les djihadistes, une affirmation qui n'avait pas pu être vérifiée de manière indépendante.

Un des tweets montrait la tête séparée du corps d'un officier irakien, avec le message suivant: «C'est notre ballon... Il est fait avec la peau "Coupe du monde", en référence à la compétition de soccer qui se déroule actuellement au Brésil.

Mme Psaki a précisé que les États-Unis n'étaient pas en mesure de «confirmer» la revendication de l'EIIL. «Mais l'un des premiers objectifs de l'EIIL est d'instaurer la frayeur dans les coeurs de tous les Irakiens et de semer la division entre les différentes confessions religieuses de sa population», dénonce le communiqué du département d'État.

«Des terroristes capables de perpétrer des actes aussi abominables sont les ennemis communs des États-Unis, de l'Irak et de la communauté internationale», a ajouté Mme Psaki.

Selon le communiqué de Washington, les 1700 soldats ont été tués à Tikrit (nord), qui compte parmi les vastes territoires conquis en trois jours - mardi, mercredi et jeudi- par les sunnites de l'EIIL.

Les djihahistes ont également pris la deuxième ville d'Irak, Mossoul, sa province Ninive (nord), ainsi que d'autres régions de la province de Salaheddine, et des secteurs des provinces de Diyala (est) et de Kirkouk (nord). Dimanche, ils ont pris le contrôle, selon des officiers, de la région d'Al-Adhim à Diyala.

Dans un entretien à l'AFP, l'ancien émissaire international pour la Syrie Lakhdar Brahimi a estimé que l'offensive djihadiste résultait de l'inertie de la communauté internationale face au conflit syrien qui fait rage depuis 2011.

Au lendemain du déploiement dans le Golfe d'un porte-avions américain, l'Iran s'est cependant dit hostile à «toute intervention militaire étrangère», estimant qu'elle compliquerait encore davantage la situation.

Les États-Unis ont toutefois annoncé qu'ils allaient envoyer des renforts de sécurité autour de leur ambassade à Bagdad et déplacer certains employés vers d'autres sites en Irak face à «l'instabilité et la violence dans certaines parties de l'Irak».

Les forces irakiennes ont «repris l'initiative»

Samedi, les forces de sécurité ont semblé relever la tête, reprenant Ishaqi et Mouatassam, non loin de Bagdad. Et dimanche, elles ont repoussé un assaut d'insurgés sur la ville stratégique de Tal Afar, à 380 km au nord-ouest de Bagdad et à une soixantaine de km de la frontière syrienne, selon des responsables.

Dix personnes ont été tuées et 40 blessées dans des bombardements menés sur cette ville par les insurgés qui ont perdu 18 combattants dans l'assaut.

Le lieutenant-général Qassem Atta, porte-parole du Premier ministre Nouri al-Maliki sur la sécurité, a affirmé que les forces avaient «repris l'initiative» face aux insurgés, évoquant le chiffre de 279 «terroristes» tués au cours des dernières 24 heures.

Les forces de sécurité donnent régulièrement des bilans d'insurgés tués particulièrement élevés, impossibles à vérifier de manière indépendante.

Les autorités ont par ailleurs annoncé samedi un plan de sécurité pour défendre Bagdad, où un attentat a fait neuf morts dimanche.

Répondant à l'appel du gouvernement et du grand ayatollah Ali Al-Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d'Irak, des milliers de citoyens se sont portés volontaires pour prendre les armes contre les insurgés.

Au nord de Baqouba, l'un de ces centres de recrutement a été visé dimanche par des tirs d'obus de mortier, qui ont fait six morts.

Par ailleurs, à Khanaqine, 150 km au nord-est de Bagdad, au moins six combattants des Peshmergas (forces kurdes) ont été tués dans un raid aérien de l'armée irakienne contre un convoi.

L'EIIL, qui a lancé il y a près d'une semaine son offensive en Irak, cherche à créer un État islamique dans une zone frontalière avec la Syrie, où il est connu pour ses exactions.

«C'est une règle bien connue: un conflit de ce genre ne peut pas rester enfermé dans les frontières d'un seul pays. Malheureusement, on a négligé le problème syrien et on n'a pas aidé à le résoudre. Voilà le résultat», a déploré M. Brahimi dans un entretien à l'AFP.

L'Irak «ne s'est jamais vraiment remis de l'invasion américaine de 2003» et cette «grosse blessure s'est infectée» avec le conflit syrien, a-t-il dit, soulignant que «l'action des djihadistes en Irak se fait avec en arrière-plan la guerre civile entre chiites et sunnites».

Les divisions confessionnelles sont extrêmement fortes en Irak, les sunnites, au pouvoir sous Saddam Hussein, s'estimant marginalisés par les autorités dominées par les chiites.