L'Iran est prêt à apporter une aide militaire face à l'offensive des jihadistes en Irak sans exclure une coopération avec les États-Unis, mais refuse pour l'instant d'intervenir dans les combats.

L'avancée fulgurante des extrémistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), qui contrôlent des territoires dans le nord et l'est du pays, «inquiète» les responsables à Téhéran, a affirmé samedi le président iranien Hassan Rohani. Mais, a-t-il souligné, il y a «une différence entre aider et intervenir».

«L'intervention des forces iraniennes» n'est pas à l'ordre du jour, a-t-il assuré lors d'une conférence de presse, démentant des informations sur la présence de troupes sur le sol irakien. Il a toutefois précisé qu'il était «possible qu'on nous demande des conseils pour combattre le terrorisme».

L'Iran, principal allié régional du régime syrien dans sa lutte contre la rébellion, a déjà admis envoyer des conseillers militaires en Syrie pour soutenir l'armée régulière qui a enregistré récemment plusieurs victoires sur le terrain.

«Nous les avons déjà mis en échec (...) Cela peut être fait à nouveau», avait indiqué vendredi un ancien officier des services de renseignement iranien.

L'EIIL est également très actif en Syrie, où il contrôle de larges secteurs de la province pétrolière de Deir Ezzor (nord-est), faisant craindre une unité territoriale avec le Nord-ouest irakien.

M. Rohani a précisé que l'Iran était «prêt à aider l'Irak (...), si le gouvernement irakien nous le demande, sur la base du droit international et de la volonté du peuple et du gouvernement irakiens».

Mais «pour le moment, nous n'avons reçu aucune demande particulière», a-t-il assuré.

Téhéran n'exclut pas non plus une coopération avec Washington dans la lutte contre les insurgés, malgré l'absence de relations diplomatiques avec les États-Unis depuis 35 ans. Les deux pays ont déjà eu des discussions sur l'Irak avant le retrait des troupes américaines fin 2011.

L'Iran a par ailleurs renforcé le contrôle de sa frontière pour éviter des infiltrations de membres de l'EIIL ou en prévision de l'arrivée éventuelle de réfugiés irakiens, selon le chef des gardes-frontières, le général Hossein Zolfaghari.

Vendredi, un responsable du ministère du Renseignement avait déjà annoncé l'arrestation de 30 membres d'Al-Qaïda à travers l'Iran «au cours du mois passé».

«Capables de régler le problème»

«Si nous voyons que les États-Unis agissent contre les groupes terroristes, alors on peut penser (à une coopération) mais jusqu'ici nous n'avons vu aucune action de leur part», a affirmé M. Rohani, alors que le président américain Barack Obama a exclu d'envoyer des troupes pour contrer l'avancée des jihadistes en Irak.

Malgré la déroute de l'armée irakienne face aux insurgés, Téhéran reste persuadé que l'Irak pourra régler la situation sans aide extérieure.

«Les Irakiens peuvent repousser le terrorisme eux-mêmes» et «seront capables de régler le problème», a affirmé M. Rohani, saluant l'appel à prendre les armes lancé par le Grand ayatollah Ali al-Sistani, le plus haute autorité chiite en Irak. L'armée irakienne a affirmé samedi avoir repris le contrôle de trois villes proches de Bagdad et préparer une contre-offensive dans la région de Tikrit.

Depuis le renversement du dictateur sunnite Saddam Hussein en 2003 par les États unis, l'Iran et l'Irak, à majorité chiite, ont renforcé leurs relations politiques qui sont selon M. Rohani «proches et intimes». Nouri al-Maliki a passé plusieurs années en Iran alors qu'il luttait contre l'ancien régime irakien, avant de devenir premier ministre en 2006. Mais il est accusé d'avoir marginalisé et maltraité la minorité sunnite.

«L'Irak est un sujet très fédérateur pour l'Iran avec la défense des lieux saints chiites, le soutien à un pays à majorité chiite, et la lutte contre le terrorisme», a déclaré à l'AFP un observateur étranger basé à Téhéran.

Il s'inquiète toutefois de voir le territoire irakien être «morcelé entre chiites, sunnites et kurdes».

Hamid Aboutalebi, un proche conseiller du président Rohani, s'est aussi inquiété des conséquences de l'éclatement de l'Irak pour la région.

«Si l'Irak est démantelé, c'est toute la configuration régionale qui changera», a-t-il dit.