Les forces irakiennes ont entamé une contre-offensive et renforcé leur défense de Bagdad, dont se sont dangereusement approchés les insurgés qui ont repris de larges portions du pays cette semaine, un porte-avions américain étant par ailleurs déployé dans le Golfe.

L'Iran a, lui, affirmé samedi ne pas exclure une coopération avec Washington pour stopper les jihadistes sunnites qui ambitionnent de créer leur État islamique à la frontière irako-syrienne.

Le Pentagone a annoncé que le secrétaire à la Défense Chuck Hagel avait donné l'ordre de déploiement du porte-avions USS George H.W. Bush dans le Golfe qui «permettra au commandement en chef de disposer de plus de flexibilité si une opération militaire américaine devait être déclenchée pour protéger des vies américaines, des citoyens ou nos intérêts en Irak».

Les forces de sécurité, soutenues par des combattants de tribus, ont repris samedi Ishaqi et Muatassam, dans la province de Salaheddine, non loin de Bagdad, a annoncé le général Sabah al-Fatlawi. Les corps brûlés de 12 policiers ont été découverts à Ishaqi, selon un responsable.

Les autorités ont de plus annoncé un plan de sécurité pour défendre Bagdad, dont s'approchent dangereusement les insurgés, et le premier ministre Nouri al-Maliki, commandant en chef des forces armées, a dit avoir obtenu du gouvernement des «pouvoirs illimités» pour combattre les rebelles.

En l'espace de trois jours, les jihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) ont pris la deuxième ville d'Irak, Mossoul, et sa province Ninive (nord), Tikrit et d'autres régions de la province de Salaheddine, ainsi que des secteurs des provinces de Diyala (est) et de Kirkouk (nord), rencontrant très peu de résistance.

La débandade des forces de sécurité est notamment due à un entraînement lacunaire, la corruption et le climat pesant du confessionnalisme, selon plusieurs experts.

L'objectif des insurgés est à présent la capitale, où les rues sont quasi-désertes et les commerces fermés.

Des renforts arrivés à Samarra

Des témoins ont précisé que la police et des habitants étaient déjà parvenus vendredi, un peu plus au sud, à les chasser les insurgés de Dhoulouiya, à 90 km de la capitale.

Des renforts de la police et de l'armée, arrivés vendredi à Samarra (110 km au nord de Bagdad), s'apprêtaient à lancer une contre-offensive un peu plus au nord, selon un des commandants de la sécurité locale, avec comme objectif de reprendre Tikrit, chef-lieu de la province de Salaheddine, ainsi que Dour et Baiji.

Ville à majorité sunnite, Samarra abrite le mausolée des imams Ali al-Hadi et Hassan al-Askari, l'un des grands lieux saints chiites d'Irak.

M. Maliki s'y est rendu vendredi pour une réunion de sécurité malgré la menace jihadiste autour de la ville. De confession chiite, majoritaire en Irak, le premier ministre, est honni par la minorité sunnite, qui l'accuse de la marginaliser et la persécuter.

Les divisions confessionnelles sont très profondes en Irak.

Vendredi, le plus influent dignitaire chiite du pays, le grand Ayatollah Ali Sistani, a appelé la population à prendre les armes pour stopper l'avancée des jihadistes, alors que quelques milliers de volontaires avaient déjà répondu à un appel similaire du gouvernement.

Cet appel a été dénoncé par une association de religieux sunnites basée au Qatar pour qui l'offensive jihadiste est «une révolte sunnite». Cette association, l'Union internationale des oulémas musulmans, que dirige le très controversé Youssef al-Qaradawi, a aussi mis en garde contre une «guerre confessionnelle dévastatrice».

Un convoi officiel, transportant le chef des services de lutte contre la corruption, a par ailleurs été attaqué samedi au nord de Bagdad tuant neuf policiers, selon un médecin et un officier.

Quelques heures plus tard, le vice-président du Waqf (biens religieux) chiite, cheikh Sami al-Massoudi, annonçait à l'AFP la mort de huit des gardes du corps dans une attaque contre son convoi, sur la route de Samarra.

Coopération américano-iranienne ?

À l'étranger, le président iranien Hassan Rohani a indiqué que son pays pourrait envisager une coopération avec les États-Unis «si nous voyons que les États-Unis agissent contre les groupes terroristes».

«Nous ne renverrons pas de troupes américaines au combat en Irak», avait indiqué la veille M. Obama. Mais il a dit qu'il examinait «un éventail d'options» pour soutenir l'armée irakienne, soulignant cependant que «sans effort politique, toute action militaire serait vouée à l'échec».

La haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Mme Navi Pillay, s'est pour sa part alarmée, l'ONU ayant reçu des informations selon lesquelles des «soldats irakiens avaient été sommairement exécutés durant la prise de Mossoul».

L'EIIL est réputé pour ses exactions, rapts et exécutions, en particulier en Syrie où le groupe est très actif.

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déjà fait état de la fuite d'environ 40.000 personnes de Tikrit et Samarra, et de plus de 500 000 de Mossoul. La Grande-Bretagne a annoncé le déblocage d'une «aide humanitaire d'urgence» de 3 millions de livres (3,7 millions d'euros) pour venir en aide à ces civils.