Des millions d'Afghans se sont rendus aux urnes samedi pour le second tour de la présidentielle devant désigner le successeur d'Hamid Karzaï, un succès qu'ont toutefois assombri des violences perpétrées par des talibans à l'origine de 46 morts.

Cette élection, toute première passation de pouvoir entre deux présidents démocratiquement élus en Afghanistan, est considérée comme un test pour ce pays pauvre, en partie contrôlé par les talibans, et qui plongera dans l'inconnu après le retrait des troupes de l'OTAN d'ici à la fin de l'année.

Les Afghans étaient appelés à choisir entre Abdullah Abdullah, 53 ans, ancien porte-parole du commandant Massoud, largement arrivé en tête du premier tour (45 %), et Ashraf Ghani, 65 ans, un ex-cadre de la Banque mondiale (31,6 %).

Farouchement hostiles à ce scrutin qu'ils estiment téléguidé par Washington, les talibans ont semé la mort au cours de la journée en lançant quelque 150 attaques, selon les autorités.

«Onze policiers, quinze soldats et vingt civils ont été tués», a déclaré le ministre de l'Intérieur Omar Daudzai, précisant que les insurgés avaient, de leur côté, perdu «soixante» combattants.

Dans une sinistre manifestation de cette violence, les talibans ont coupé les doigts, couverts d'encre antifraude montrant qu'elles avaient voté, de onze personnes dans la province d'Hérat (ouest), selon le vice-ministre de l'Intérieur, Ayoub Salangi.

Mais les attaques n'ont pas découragé les électeurs et la participation pourrait dépasser les 50 %, un chiffre comparable au premier tour du 5 avril, a annoncé le patron de la Commission électorale indépendante (IEC), Ahmad Yusuf Nuristani.

«Une grande nation»

S'il est trop tôt pour faire le bilan du scrutin, le simple fait qu'il a pu arriver à son terme dans un contexte d'instabilité persistante a des airs de victoire pour Hamid Karzaï et la communauté internationale qui l'a porté au pouvoir après la chute des talibans, fin 2001.

Et c'est sur un ton triomphaliste que le président sortant s'est adressé au peuple afghan sitôt le vote clos. «La mobilisation des électeurs a permis à notre pays de monter une nouvelle marche vers la stabilité et la prospérité», a-t-il dit dans un message vidéo enregistré.

«Nous avons montré que nous étions une grande nation», a-t-il ajouté.

Le second tour s'est achevé samedi à 16 h locales et le dépouillement des bulletins de vote a commencé dans la foulée. Des résultats provisoires devraient être publiés le 2 juillet.

De Kaboul à Kandahar (sud), les électeurs ont répondu présents, en dépit des menaces des talibans.

«On a bien entendu quelques explosions dans la ville, mais pas de quoi nous faire peur. Ici, c'est tous les jours de toute manière. Et ce n'est pas ça qui m'empêchera de voter pour décider de l'avenir de mon pays», a dit à Kaboul Ahmad Jawid, un étudiant de 32 ans.

Dans la soirée, les États-Unis, principal soutien militaire et financier du gouvernement afghan, ont félicité «le peuple d'Afghanistan pour avoir mené à bien aujourd'hui le second tour».

«Il est ainsi encourageant de voir le déroulement d'une élection présidentielle en Afghanistan», a de son côté déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, jugeant ce scrutin «réussi».

Les deux candidats évoquent des fraudes

Cette élection marquera la fin de l'ère Karzaï, seul homme à avoir dirigé l'Afghanistan depuis la fin du régime taliban, et auquel la Constitution interdisait de briguer un troisième mandat.

Avec plus de 13 points d'avance au premier tour sur son rival, la victoire semble à portée de main pour Abdullah Abdullah, qui s'était retiré avec fracas du deuxième tour de la précédente présidentielle, en 2009, dénonçant des fraudes massives.

Interrogé  au cours d'une conférence de presse sur ses chances de gagner, il a répondu : «notre performance a été extraordinaire (...) Je ne fais pas de prédictions, mais les premières analyses semblent très bonnes pour nous», a-t-il dit. M. Abdullah a en outre évoqué l'existence de fraudes, tout comme son rival.

Ashraf Ghani, qui estime également avoir réalisé un bon score, a assuré que «les forces de l'ordre» avaient été «impliquées dans des cas de fraude. Nous avons des preuves et nous allons les remettre à la commission électorale».

Le prochain président prendra ses fonctions le 2 août, avec une question urgente à régler : la signature d'un traité bilatéral de sécurité (BSA) avec Washington.

Cet accord permettrait le maintien d'environ 10 000 soldats américains après le départ, fin 2014, des 50 000 soldats de l'OTAN qui fait craindre nouvelle flambée de violences en Afghanistan.

Une «étape significative», selon la Maison-Blanche

L'élection présidentielle en Afghanistan est «une étape significative» vers la démocratie, a salué la Maison-Blanche, samedi, en insistant sur l'importance de la Commission électorale indépendante pour assurer la légitimité du scrutin.

«Les États-Unis félicitent le peuple d'Afghanistan pour avoir mené à bien le second tour du scrutin de leur élection présidentielle historique», a souligné la présidence américaine dans un communiqué diffusé avant l'annonce de plusieurs attaques menées par des rebelles talibans.

Ces attaques ont fait au moins 46 morts, dont des civils dont les doigts étaient encore couverts d'encre antifraude électorale.

«Cette élection est une étape significative vers un processus démocratique en Afghanistan, et le courage et la détermination du peuple afghan pour faire entendre sa voix est la preuve de l'importance de ces élections pour assurer l'avenir de l'Afghanistan», a ajouté la Maison-Blanche.

«Le travail de la Commission électorale dans les semaines à venir sera particulièrement important», a-t-elle insisté.

Des millions d'Afghans ont voté au second tour de la présidentielle afghane pour décider qui de Abdullah Abdullah, ancien porte-parole du commandant Massoud, ou Ashraf Ghani, un ex-cadre de la Banque mondiale, succédera à Hamid Karzaï.

Farouchement hostiles à ce scrutin qu'ils estiment téléguidé par Washington, les talibans ont lancé quelque 150 attaques, qui ont fait 106 morts, dont 60 dans leurs propres rangs, et 11 policiers, 15 soldats et 20 civils, selon les autorités.

Le peuple afghan «a défié les menaces de violences en allant aux urnes», grâce à leur détermination à construire un «avenir plus stable, cohérent et prospère», a renchéri le secrétaire d'État John Kerry.

M. Kerry a appelé à garder la procédure «transparente et responsable», en demandant aux candidats et aux parties prenantes de «travailler avec la commission électorale et de respecter ses conclusions».

La commission électorale sera vraisemblablement saisie d'allégations de fraude provenant des camps des deux candidats.

Cette élection constitue la toute première passation de pouvoir entre deux présidents afghans démocratiquement élus.

Elle était considérée comme un test pour ce pays pauvre, en partie contrôlé par les talibans, qui plongera dans l'inconnu après le retrait de l'OTAN, d'ici à la fin de l'année.