Les bureaux de vote avaient à peine fermé à Bagdad que des dizaines d'Irakiens se précipitaient pour arracher les affiches des panneaux électoraux et en retirer les structures métalliques, pour les recycler ou les revendre.

Sur les places de la capitale irakienne, par petits groupes, des hommes de tout âge s'empressaient de récupérer les petites structures en fer ou les immenses barres métalliques soutenant les milliers d'affiches placardées avant les élections législatives de mercredi.

Dès la fermeture des bureaux de vote à 18h00 locales (11h00, heure de Montréal), sur la place Ferdaos, célèbre pour la statue de Saddam Hussein qui s'y érigeait avant la chute du dictateur, et sur celle de Karamana, un ballet bien organisé s'est vite mis en place.

«Tout d'abord, je tiens à remercier Dieu pour la tempête qui a fait vaciller toutes ces lourdes affiches», lance Jaafar, trainant derrière lui une large structure en fer, sous le regard impassible des policiers.

Contrairement aux élections précédentes, de nombreux candidats ont utilisé de solides structures métalliques pour ériger leurs pancartes et éviter qu'elles ne soient emportées par le vent. Mais les violents orages cette semaine en ont jeté un certain nombre à terre.

«Ensuite, je voudrais remercier tous les candidats pour leur générosité, pour nous avoir donné toutes ces structures, sans rien nous demander en retour», ajoute Jaafar, sarcastique, moquant la corruption rampante dans le pays.

«J'ai un nouveau toit maintenant, et sans ces affiches, j'aurais dû dépenser beaucoup d'argent, alors merci, merci beaucoup», dit-il.

Près d'un quart de la population irakienne vit sous le seuil de pauvreté, selon les estimations officielles, et les quelques dinars de plus récoltés par les pilleurs ne seront pas de trop.

«Pas des voleurs»

Dans les quartiers les plus pauvres de Bagdad, on s'entasse dans des maisons de bric et de broc recouvertes de bâches distribuées par le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU.

Depuis des semaines, nombreux sont ceux qui regardent tout ce fer, imaginant déjà les fondations qu'ils pourraient construire, les menues améliorations qu'ils pourraient apporter à leurs foyers, ou plus simplement l'argent qu'ils pourraient en tirer.

Certains se sont mis d'accord en avance pour se répartir les quartiers à ratisser.

«De la place Hourriyah au carrefour de l'université, c'est pour moi», explique Rachid Abboud. «On s'est mis d'accord, les autres iront de l'autre côté du quartier».

Alors que la nuit tombe, sur les affiches délestées de leur cadre, les visages des candidats sont allègrement piétinés par une partie de foot improvisée.

«Il y en a qui vivent dans la zone verte (zone protégée où se trouvent notamment l'ambassade américaine et le Parlement), d'autres à l'étranger, et nous, on est là, à mourir de faim», se plaint Anouar Ahmed, entre deux aller-retour.

«Nous ne sommes pas des voleurs, nous avons le droit de prendre ce métal. Les élections sont finies, et le prochain gouvernement ne nous aidera pas. Ils ne nous offrent pas du travail, ils préfèrent employer des travailleurs du Bangladesh, et nous, nous sommes là. Au chômage».