À Kaboul comme dans les autres grandes villes du pays, Kandahar (sud), Hérat (ouest) ou encore Jalalabad (est), les Afghans ont participé avec enthousiasme au premier tour de cette élection qui doit désigner le successeur de Hamid Karzaï.

Ce scrutin, première passation de pouvoir d'un président afghan démocratiquement élu à un autre, est considéré comme un test majeur pour ce pays pauvre de 28 millions d'habitants déchiré par trois décennies de guerre et qui plongera dans l'incertitude après le retrait des 51 000 soldats de l'OTAN d'ici à la fin de l'année.

Malgré les menaces des talibans et les craintes d'une abstention massive, l'élection s'est déroulée dans le calme et les autorités afghanes ont évoqué une «participation énorme».

«Nous avons assisté à un grand jour pour la démocratie en Afghanistan», a estimé dimanche Zalmai Rassoul, l'un des trois favoris, lors d'une conférence de presse à Kaboul.

Mais «manifestement, il y a eu des problèmes à certains endroits», a ajouté, sans détailler, cet ancien ministre des Affaires étrangères, considéré comme le candidat du président Karzaï.

Hommage au «courage» des Afghans

«Ces problèmes ont été transmis à la Commission électorale des plaintes (ECC) et il est de son devoir d'y répondre pour que le vote ne soit pas faussé», a-t-il dit. «L'Afghanistan n'acceptera pas un président élu avec des fraudes».

Même son de cloche du côté de son adversaire Ashraf Ghani, un ancien ministre des Finances. «Des informations font état de fraudes graves dans plusieurs endroits. Tout a été répertorié et sera transmis pour enquête à l'ECC», a-t-il déclaré sur Twitter.

Enfin Abdullah Abdullah, le troisième favori de ce scrutin qui compte au total huit candidats, a qualifié l'élection de «grand succès», tout en affirmant qu'elle n'avait pas été «exempte d'irrégularités».

La Commission électorale des plaintes a indiqué dimanche avoir reçu plus de 1200 réclamations faisant état de «bourrages d'urnes», de «pénuries de bulletins» dans les bureaux de vote ou encore d'employés électoraux «maltraités» et d'électeurs «influencés».

Samedi, de longues files d'attente d'électeurs s'étaient formées devant les bureaux de vote, et les images d'Afghans montrant fièrement leurs doigts marqués à l'encre, prouvant qu'ils avaient voté, ont abondamment circulé sur les réseaux sociaux, comme un geste de défi aux talibans.

Peu après le vote, la communauté internationale a salué cette mobilisation, signe selon elle des progrès accomplis dans le pays depuis la chute des talibans en 2001.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a ainsi loué le «courage des Afghans qui ont voté malgré les menaces et les intimidations des talibans et d'autres groupes extrémistes ou terroristes».

Ces élections «représentent une autre étape majeure dans la prise en charge totale de la sécurité du pays par les Afghans eux-mêmes, alors que les États-Unis et leurs alliés rappellent leurs forces», a pour sa part déclaré la Maison-Blanche.

Le transport d'urnes de vote attaqué

Si le déchaînement d'attaques promis par les talibans n'a pas eu lieu, au moins vingt personnes (quatre civils et seize membres des forces afghanes) ont péri dans des violences, et de nouvelles informations remontaient petit à petit dimanche.

«La journée d'hier a été intense pour nous», a dit à l'AFP Emanuele Nannini, un responsable de l'ONG Emergency, qui gère trois hôpitaux dans le pays, à Kaboul et dans les provinces du Panshir (nord) et du Helmand (sud).

«Près de trente patients victimes de blessures liées au conflit ont été admis dans nos hôpitaux (...). C'est un nombre très élevé à ce moment de l'année», a-t-il souligné.

Dimanche, les autorités électorales afghanes procédaient à la collecte et au dépouillement des bulletins de vote, opération sensible qui pourrait faire l'objet de multiples contestations.

Un camion transportant du matériel électoral a été détruit dans la journée par une bombe artisanale dans la province de Kunduz (nord). «L'explosion a fait trois morts», selon la police locale.

Les résultats préliminaires du premier tour seront connus le 24 avril, avant un possible deuxième tour le 28 mai.