Le grand reporter anglo-suédois Nils Horner a été abattu par balle mardi en pleine rue dans le centre de Kaboul, un crime rare et préoccupant pour les médias étrangers à un mois de l'élection présidentielle en Afghanistan.

Horner, un journaliste expérimenté de 51 ans travaillant pour la radio publique suédoise (SR), était arrivé dimanche à Kaboul et devait y rester une dizaine de jours pour effectuer plusieurs reportages, selon son entourage professionnel.

Il a été abattu d'une balle dans la tête alors qu'il se trouvait près d'un restaurant libanais de Wazir Akbar Khan, un quartier cossu de la capitale, selon une source proche du journaliste.

Horner s'y était rendu pour enquêter sur l'attaque d'un autre restaurant libanais du même quartier, La Taverne du Liban, le 17 janvier dernier, par un commando-suicide taliban qui avait fait 21 morts, dont 13 étrangers.

Son décès a été confirmé par l'ambassadeur de Suède en Afghanistan, Peter Semneby, qui a précisé que la victime avait la double nationalité anglo-suédoise et que sa famille avait été «prévenue».

L'agression s'est produite en fin de matinée, au moment même où étaient organisées les funérailles du premier vice-président afghan Mohammad Qasim Fahim, décédé dimanche à l'âge de 56 ans, des suites d'une maladie.

«J'ai entendu un coup de feu et j'ai vu l'homme tomber», a déclaré un témoin qui a requis l'anonymat, précisant que l'agresseur, accompagné d'un autre homme, probablement son complice, avait ensuite pris la fuite.

La scène de crime a été bouclée par les forces de sécurité afghanes, parmi lesquelles se trouvaient des agents des services secrets (NDS), alors que du sang était visible sur la chaussée, selon un photographe de l'AFP.

L'attaque n'a pas été revendiquée et les talibans, contactés par l'AFP, ont affirmé n'avoir joué aucun rôle. «Nous avons vérifié avec nos combattants, ils ne sont pas impliqués», a assuré le porte-parole des rebelles, Zabiullah Mujahid.

La police de Kaboul a indiqué avoir lancé une chasse à l'homme pour tenter de retrouver le ou les auteurs du crime, tandis que le traducteur et le chauffeur du journaliste, présents au moment du meurtre, étaient interrogés.

Horner, un journaliste chevronné

Horner travaillait pour la SR depuis 2001 et avait couvert cette année-là la chute des talibans afghans, puis la guerre en Irak, en 2003, et les bouleversements récents en Égypte.

Basé à Hong Kong, il voyageait beaucoup, à travers toute l'Asie, de l'Inde à la Corée en passant par le Timor oriental.

«C'est l'un des pires jours dans l'histoire de la radio», a déclaré la présidente de la SR, Cilla Benkö. «Nils était l'un de nos meilleurs journalistes et l'un de nos plus expérimentés», a-t-elle ajouté sur le site internet de la radio publique.

Sa mort est une «véritable tragédie», a estimé de son côté le ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt, sur Twitter. «Nils Horner était un journaliste très expérimenté et respecté. J'avais pour lui une grande estime».

Johan Nylander, un journaliste suédois basé à Hong Kong, a décrit Horner comme un reporter toujours sur la route, qui «n'avait pas vraiment de chez lui».

«Hong Kong était le premier endroit où il posait ses valises depuis des années. Parmi les journalistes suédois, c'était une légende. D'une certaine manière, il est mort comme il a vécu, en train de faire son travail de reporter», a-t-il dit à l'AFP.

Son employeur avait publié mardi son dernier reportage, un sujet sur la lente reconstruction trois ans après le tsunami au Japon.

Le meurtre de Horner s'inscrit dans un climat de violences persistantes en Afghanistan, où, malgré douze ans d'intervention occidentale, les talibans, chassés du pouvoir en 2001, mènent une insurrection meurtrière. Il intervient également à moins d'un mois du premier tour de l'élection présidentielle afghane, le 5 avril.

La mort d'un nouveau ressortissant étranger à Kaboul, moins de deux mois après l'attaque sanglante de La Taverne du Liban, renforce le sentiment d'inquiétude de la communauté expatriée présente dans la capitale afghane, a fortiori à l'approche de l'élection qui devrait être couverte par de nombreux journalistes étrangers.

PHOTO CLAUDIO BRESCIANI, ARCHIVES AFP/TT

Nils Horner, photographié en août 2002.