Les Palestiniens ont exclu jeudi toute prolongation des négociations directes avec Israël au-delà de la date butoir de la fin avril au moment où le processus de paix initié par le secrétaire d'État américain John Kerry semble en grande difficulté.

«Il ne sert à rien de prolonger les négociations, ne serait-ce que d'une seule heure, si Israël, représenté par son gouvernement actuel, continue à mépriser le droit international», a déclaré jeudi à l'AFP le négociateur en chef Saëb Erakat.

«S'il y avait un partenaire sincère, nous n'aurions même pas eu besoin de neuf heures pour parvenir à un accord», a estimé M. Erakat, en réponse à des propos de M. Kerrry, selon lesquels les discussions entre les deux parties se poursuivraient probablement au-delà des neuf mois impartis.

«Mais il n'y a pas de partenaire en Israël qui soit engagé en faveur d'une paix véritable ou du droit international», a accusé le négociateur palestinien.

Rappelant qu'il travaillait d'arrache-pied depuis la fin juillet 2013 à mettre sur pied un «accord-cadre» entre Israël et les Palestiniens, John Kerry a confié mercredi à quelques journalistes qu'il «pensait que personne ne s'inquiéterait s'il y avait encore neuf mois (...) pour boucler» le processus de paix israélo-palestinien.

«Nous essayons d'obtenir une ossature, ce qui est une énorme tâche quand on sait que l'on s'est servi jusqu'ici de ces sept mois pour tenter de comprendre les positions des deux camps et pour pouvoir donner corps aux négociations finales», a souligné le secrétaire d'État, qui impose un black-out médiatique sur la teneur des tractations directes.

Les dirigeants israéliens souhaitent publiquement une extension des négociations de paix - qui ont repris en juillet après une interruption de près de trois ans - au-delà de l'échéance fixée au 29 avril.

Lors de son dernier voyage au Proche-Orient le mois dernier, M. Kerry a présenté un projet d'«accord-cadre» traçant les grandes lignes d'un règlement définitif portant sur les questions dites de «statut final»: les frontières, les colonies, la sécurité, le statut de Jérusalem et les réfugiés palestiniens.

Le secrétaire d'État s'est gaussé mercredi des sceptiques, mais ses propositions n'ont toujours pas recueilli l'assentiment des deux camps, selon les déclarations publiques des uns et des autres.

Climat tendu

Le climat s'est tendu à l'approche du terme prévu pour les pourparlers. Les négociateurs israéliens et palestiniens ne se sont pas rencontrés, officiellement du moins, depuis plusieurs mois.

À l'issue d'entretiens avec John Kerry la semaine dernière à Paris, le président palestinien Mahmoud Abbas a constaté l'échec «jusqu'à présent» de la diplomatie américaine pour définir un accord-cadre, qualifiant d'«inacceptables» les idées avancées par Washington.

Les Palestiniens rejettent notamment «l'exigence d'une reconnaissance de la judéité de l'État d'Israël comme État-nation juif», estimant que cela reviendrait à renoncer sans contrepartie au «droit au retour» des réfugiés, ainsi qu'à leur propre Histoire.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a fait de cette reconnaissance un élément cardinal d'un accord de paix.

En outre, excipant de ses besoins de sécurité, Israël exige de garder une présence militaire à long terme dans la vallée du Jourdain, le long de la frontière entre la Cisjordanie et la Jordanie. Mais les Palestiniens n'acceptent pas que des soldats israéliens demeurent sur leur territoire après un accord de paix. Ils accepteraient une force internationale.

Selon le New York Times, le président Obama a l'intention de s'impliquer personnellement dans le processus de paix et de presser M. Nétanyahou d'accepter «l'accord-cadre» américain lorsqu'il le recevra lundi à la Maison-Blanche.

Le quotidien israélien Yediot Aharanot affirme jeudi que le gouvernement de M. Nétanyahou a discrètement mis en oeuvre un gel de facto de la construction dans les colonies israéliennes, en dehors des grands blocs de colonisation, une pomme de discorde majeure avec les Palestiniens et les Américains. Selon la radio militaire israélienne, Washington souhaiterait une suspension partielle de la colonisation - à laquelle est farouchement opposée la droite nationaliste au pouvoir en Israël - au moment d'annoncer une extension des pourparlers de paix.

Sur le terrain, la situation reste tendue et instable, faisant craindre - de l'aveu même de M. Kerry - une troisième intifada (soulèvement) palestinienne.

Jeudi matin, un militant palestinien a été tué lors d'une opération de l'armée israélienne à Bir Zeit, près de Ramallah.

Selon l'ONG israélienne B'Tselem, 27 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie par des soldats israéliens en 2013, soit trois fois plus qu'en 2012.