Des prisonniers d'origine yéménite qui sont incarcérés depuis 12 ans à la prison militaire américaine de Guantánamo seront-ils bientôt envoyés dans une île paradisiaque de l'océan Indien... pour être détenus de nouveau?

Des médias locaux ont évoqué récemment la construction possible dans l'île de Socotra, à 250 km au sud-est du Yémen, d'une nouvelle prison où pourraient être transférés plus d'une cinquantaine de détenus originaires du pays.

L'hypothèse d'un transfert vers ce territoire isolé, surtout connu pour sa riche diversité en matière de faune et de flore, n'a pas été commentée par l'administration américaine. De hauts responsables ont cependant confirmé au Los Angeles Times la tenue de discussions avec les autorités de Sanaa relativement à la construction d'un centre de détention.

Un représentant du gouvernement yéménite établi à Socotra a déclaré que l'idée d'ériger la prison dans l'île de Socotra avait été étudiée il y a deux mois et abandonnée.

Le ministère des Affaires étrangères du Yémen a parallèlement fait savoir à l'automne, sans préciser son emplacement, que l'État envisageait la construction non pas d'une prison mais d'un «centre de réhabilitation» qui prendrait en charge les détenus en provenance de Guantánamo en vue de faciliter leur réinsertion dans la société.

Pas une menace

Le ministère de la Justice américain a déjà conclu que 56 des 88 détenus d'origine yéménite toujours retenus dans l'île de Cuba pouvaient être libérés, mais l'évaluation est restée sans suite faute d'un arrangement jugé approprié avec leur pays d'origine.

«Le gouvernement estime que les détenus qui pourraient être transférés ne constituent pas une menace sécuritaire pour les États-Unis. On pourrait comprendre qu'ils soient soumis à un processus de réhabilitation en revenant au Yémen mais ils ne doivent pas simplement être transférés vers une autre prison. Ils ne doivent pas demeurer détenus», déclare en entrevue Laura Pitter, une analyste de l'organisation Human Rights Watch.

L'attention accordée aux détenus yéménites ramène sous les projecteurs un dossier épineux pour le président américain Barack Obama, qui avait promis de fermer la prison de Guantánamo au plus tard un an après son arrivée au pouvoir.

Il a réitéré son intention de procéder en ce sens en janvier lors de son discours sur l'état de l'Union en relevant que sa fermeture était nécessaire pour que son pays «demeure fidèle à ses idéaux constitutionnels et donne l'exemple au reste du monde».

«La fermeture aurait pu se faire il y a quatre ans et elle aurait dû se faire», estime Mme Pitter, qui reproche au chef d'État américain d'avoir manqué de volonté politique.

Les raisons qui ont pu le freiner à l'époque - incluant la peur de paraître trop laxiste face à la menace terroriste - ne devraient pas l'empêcher d'enfin tenir sa parole, note la militante.

Le Congrès américain avait mis des bâtons dans les roues de l'administration au cours du premier mandat de Barack Obama en introduisant des restrictions sur le transfert de détenus, en particulier vers les États-Unis, mais elles ont été partiellement assouplies en décembre.

Malgré ses critiques, Mme Pitter juge encourageant que Washington ait décidé de transférer une demi-douzaine de détenus d'origines diverses hors de la prison de Guantánamo au cours des derniers mois.

Elle estime que la population américaine comprend la nécessité de rectifier le tir. «La plupart des Américains qui connaissent les enjeux sont conscients qu'il n'est pas possible de maintenir des personnes en détention pendant des années sans les soumettre à un processus judiciaire digne de ce nom», conclut la représentante de HRW.