Les djihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) se battent en Irak et en Syrie pour former un État sunnite au Moyen-Orient. Mais leurs méthodes radicales et brutales trouvent peu d'appuis dans la population sunnite, marginalisée par les gouvernements syrien et irakien. Portrait en trois temps.

1.Naissance dans le sang

Le groupe de djihadistes s'est formé en 2004, en Irak, au plus fort des combats qui opposaient les troupes américaines aux insurgés sunnites, explique en entrevue le journaliste franco-irakien Feurat Alani.

«Le groupe de l'État islamique d'Irak a été formé au moment de la bataille de Fallouja, en 2004. Ses leaders ont porté allégeance à Al-Qaïda. Mais, au fil des ans, le groupe a fait le combat sur la population chiite, ce qui a déplu aux hauts dirigeants d'Al-Qaïda, qui ont une vision plus globale. Il y a eu une rupture entre les deux groupes», précise M. Alani, en entrevue téléphonique depuis Dubaï.

Le fondateur du groupe, Abu Moussab Al Zarkaoui, était alors l'un des plus importants militants islamistes en Irak, et son influence était grandissante.

Après les combats avec les Américains, les militants islamistes ont comblé le vide de sécurité à Fallouja, qu'ils ont tenu sous leur règne pendant plus d'un an.

«Les combattants ont fait régner un régime de terreur dans la ville, tuant des Irakiens, décapitant des opposants... Ils ont finalement été expulsés par les tribus de Fallouja.»

Le groupe s'appelait alors l'État islamique d'Irak (EII), mais son expansion vers la Syrie allait bientôt lui donner une nouvelle vocation, et un nouveau nom.

2. Influence en hausse en Syrie

Avec l'éclatement de la guerre civile en Syrie, en 2011, des membres de l'État islamique d'Irak ont gagné le pays pour prendre les armes contre l'armée syrienne et le régime de Bachar al-Assad.

En 2012, un nouvel objectif se dessine. Le groupe de djihadistes revendique un important territoire, allant de Rakka, en Syrie, à l'ouest, jusqu'à Fallouja, en Irak, à l'est. «Leur objectif est de former un État pour les sunnites, une sorte de «Sunnistan» » note M. Alani, qui était en poste en Irak de 2003 à 2008, au plus fort de l'insurrection armée. «Ils veulent casser l'axe d'influence chiite dans ce secteur.»

Dans ce territoire, le groupe qui s'appelle désormais l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL, ou ISIS en anglais) veut faire appliquer une forme radicale de l'islam et faire respecter la charia.

Ces derniers mois, l'EIIL a remporté d'importantes victoires en Syrie et a étendu son influence dans ce conflit où plusieurs groupes de militants, islamistes ou non, combattent l'armée syrienne.

3. Une présence dérangeante

En 2014, la présence des combattants de l'EIIL, en Syrie comme en Irak, est loin de faire l'unanimité parmi la population et les insurgés. Hier, les forces de l'EIIL ont été délogées de la ville d'Alep par des rebelles islamistes qui étaient leurs anciens alliés. À Rakka, principal fief de l'EIIL, des rebelles ont entrepris d'assiéger le quartier général de l'organisation, qui s'est rendue impopulaire par ses exactions dans les combats en Syrie.

À Fallouja non plus, les militants de l'EIIL ne sont pas les bienvenus dans plusieurs quartiers, note M. Alani, qui est en contact régulier avec des citoyens de la ville assiégée.

«Le gouvernement irakien utilise la présence de l'EIIL à Fallouja pour justifier le besoin d'une attaque d'envergure contre ces «affiliés d'Al-Qaïda». Mais dans les faits, ces combattants sont impopulaires. Hier, des militants de l'EIIL on fait flotter leur drapeau au-dessus d'un poste de police, mais les autres combattants sunnites leur ont dit de l'enlever, car cela jouait le jeu du premier ministre Nouri al-Maliki et justifierait des représailles de l'armée.»