L'ex-président pakistanais Pervez Musharraf a été transporté d'urgence jeudi dans un hôpital militaire en raison de «problèmes cardiaques», un nouveau rebondissement spectaculaire dans la saga politico-judiciaire du général à la retraite traqué par la justice pour trahison.

M. Musharraf se rendait à un tribunal spécial mis sur pied par le gouvernement d'Islamabad afin de le juger pour «haute trahison», mais a ressenti un malaise en cours de route et aussitôt bifurqué vers l'institut de cardiologie des forces armées, selon des sources policières et des proches.

«Il a eu un problème cardiaque», a déclaré au tribunal Jan Mohammad, un haut responsable de la police pakistanaise pour expliquer l'absence de l'ancien président, au pouvoir de son coup d'État en 1999 à sa destitution à l'été 2008.

L'armée et les forces spéciales quadrillaient le périmètre de cet hôpital de Rawalpindi, ville jumelle de la capitale Islamabad, alors qu'une cinquantaine de partisans de l'ancien président réunis sur place scandaient «longue vie à Musharraf», selon un journaliste de l'AFP sur place.

Dans un courriel à l'AFP, le porte-parole officiel de M. Musharraf a confirmé que ce dernier était bien à l'institut de cardiologie des forces armées où il était examiné par des spécialistes. «Il est conscient et se repère dans le temps et l'espace», a-t-il toutefois assuré.

Selon une source hospitalière requérant l'anonymat, M. Musharraf n'a pas subi de crise cardiaque, mais demeure en observation après un malaise.

Après ce nouveau rebondissement, le tribunal a ajourné ses travaux au 6 janvier sans requérir de mandat d'arrêt contre l'ex-président pour le forcer à se présenter à l'audience. «Sa présence dépendra de l'avis de ses médecins», a assuré son avocat, Mohammad Ali Saif.

Des proches de l'ex-général, dont le nom figure sur une liste de personnes interdites de quitter le territoire, ont quant à eux demandé à ce qu'il puisse être envoyé d'urgence à l'étranger en raison de son état de santé.

«Si ses médecins lui recommandent de partir à l'étranger pour des traitements, alors nous demanderons la permission à la cour qui peut l'autoriser à voyager si c'est prescrit», a ajouté M. Saif.

Des ministres pakistanais avaient toutefois répété au cours des derniers jours que le gouvernement n'autoriserait pas l'exfiltration de l'ex-président rattrapé par la justice à son retour au Pakistan en mars après quatre ans d'exil volontaire.

«Menaces» contre les avocats?

Le premier ministre Nawaz Sharif, de retour au pouvoir grâce à sa victoire aux élections de mai après avoir été renversé en 1999 par le Général Musharraf, avait créé ce tribunal spécial en novembre afin de juger son rival pour «haute trahison», un crime passible de la peine de mort au Pakistan.

Le gouvernement reproche à l'ex-dirigeant militaire d'avoir suspendu la Constitution et imposé l'état d'urgence en 2007 à l'époque où il était au pouvoir, mais ce dernier dit n'avoir rien fait d'illégal et être victime d'une «vendetta».

M. Musharraf, un ex-allié de Washington dans sa «guerre contre le terrorisme» qui demeure dans la mire de groupes islamistes armés, devait comparaître le 24 décembre et le 1er janvier devant ce tribunal, mais était chaque fois resté dans sa villa en raison de menaces.

Les avocats de Musharraf ont affirmé jeudi eux aussi être l'objet de menaces et plus particulièrement d'intimidation de la part du gouvernement dans cette affaire sensible pour un pays qui a connu trois coups d'État depuis sa création en 1947 «Je dirai que toute l'armée est outrée... Je n'ai aucun doute, en me fondant sur les échos que j'ai eus, que l'armée est totalement derrière moi dans cette affaire», avait déclaré dimanche M. Musharraf dans sa première déclaration à la presse étrangère depuis qu'il avait été assigné à résidence en avril, un mois seulement après son retour au Pakistan pour «sauver» le pays.

Outre son procès pour «haute trahison», M. Musharraf est dans le collimateur de la justice pour son rôle présumé dans les meurtres de son ex-rivale Benazir Bhutto, du chef rebelle Akbar Bugti, du renvoi de juges et l'opération contre la Mosquée rouge d'Islamabad où se terraient des islamistes armés.