La polémique fait rage en Israël sur les relations privilégiées avec l'allié américain, à la veille d'une nouvelle navette au Proche-Orient du secrétaire d'État John Kerry, la première depuis l'accord de Genève sur le nucléaire iranien.

La controverse a éclaté à la suite notamment d'une diatribe de l'ancien premier ministre Ehud Olmert qui a accusé son successeur Benyamin Nétanyahou «d'avoir engagé une guerre contre l'administration de Barack Obama».

M. Olmert visait en particulier la dénonciation virulente par M. Nétanyahou de l'accord conclu par les grandes puissances avec l'Iran le 24 novembre, qu'il a assimilé à une «erreur historique».

Le ministre des Finances Yaïr Lapid, chef du parti centriste Yesh Atid, deuxième formation de la coalition gouvernementale, a lui aussi critiqué à mots couverts le ton adopté par M. Nétanyahou.

«On peut avoir des disputes au sein de la famille aussi longtemps qu'elles restent au sein de la famille», a affirmé M. Lapid. Selon lui, «mieux vaut baisser le ton avec les Américains, un affrontement n'est pas bon et ne sert à rien».

En réponse, un proche de M. Nétanyahou, cité par les médias mardi, a démenti toute querelle avec les États-Unis, mais a estimé qu'«Israël ne peut pas se fier uniquement aux Américains», un aveu inhabituel dans la bouche d'un responsable israélien.

«Israël prend des mesures pour approfondir la coopération avec la Chine et la Russie», a même averti ce responsable sous couvert de l'anonymat.

Le correspondant diplomatique du quotidien Haaretz insistait mardi sur le climat de «suspicion» réciproque: «Nétanyahou et son entourage ne sont pas convaincus qu'Obama soit vraiment déterminé à arrêter le projet nucléaire iranien, mais pensent qu'il veut seulement refiler la patate chaude au prochain président».

Le chef de la diplomatie Avigdor Lieberman, considéré comme un faucon du gouvernement Nétanyahou, estime qu'«il faut cesser de réclamer, de se plaindre, de râler» auprès des États-Unis

M. Lieberman, qui doit rencontrer en fin de semaine M. Kerry aux États-Unis, a récemment proposé de «chercher des pays qui n'ont pas besoin de l'argent du monde musulman et arabe et qui veulent coopérer avec nous dans le domaine de l'innovation», sans préciser lesquels.

Selon un sondage rendu public mardi 47,6 % des Israéliens pensent qu'Israël doit trouver d'autres alliés que les États-Unis et réduire sa dépendance envers eux, 46,2 % étant de l'avis opposé

«Primauté à la sécurité d'Israël»

Les tensions portent non seulement sur l'Iran, mais aussi sur les négociations de paix avec les Palestiniens, où les désaccords israélo-américains sont de notoriété publique.

Attendu mercredi, John Kerry tente depuis juillet de faire avancer des négociations en panne. Lors de sa dernière tournée régionale en novembre, il avait mis en garde Israël contre un retour à la violence de la part des Palestiniens en cas d'échec des négociations.

Selon des sources palestiniennes proches du dossier, la dernière session de pourparlers a eu lieu le 28 novembre. En revanche, la suivante, prévue lundi, a été annulée à la suite du refus des négociateurs palestiniens d'y participer, faute de renonciation officielle, selon eux, par le gouvernement israélien à un plan de construction record de plus de 20 000 logements dans les colonies juives.

Pour le vice-ministre israélien des Affaires étrangères Zeev Elkin, «lorsqu'il y a des désaccords, le devoir du premier ministre et du gouvernement est de donner la primauté à la sécurité d'Israël même si ce n'est pas très positif pour nos relations avec les Américains».

M. Elkin a rappelé, comme exemple à ne pas suivre, les pressions exercées par la précédente administration américaine du président George W. Bush, pour permettre au Hamas de participer aux législatives palestiniennes de janvier 2006, remportées par le mouvement islamiste.

«Résultat: nous avons une base terroriste» dans la bande de Gaza, évacuée en 2005 par Israël et d'où le Hamas a chassé l'Autorité palestinienne en 2007, a argué le vice-ministre.

M. Nétanyahou s'est toutefois abstenu pour le moment d'engager une nouvelle épreuve de force avec les États-Unis en désavouant publiquement le ministre du Logement Uri Ariel, membre du Foyer juif, un parti d'extrême droite proche des colons, promoteur du projet de construction de plus de 20 000 logements dans les colonies.