Jusqu'à 15 000 soldats étrangers pourraient rester en Afghanistan après le retrait de la force de l'OTAN fin 2014 si Kaboul signe un traité de sécurité avec Washington, a annoncé jeudi le président Hamid Karzaï en estimant que cet accord pourrait ramener la «stabilité» dans le pays.

«Si (ce traité) est signé, entre 10 000 et 15 000 soldats (étrangers) resteront (en Afghanistan). Quand je dis "soldats", je ne parle pas seulement des Américains, mais également de troupes venant d'autres pays de l'OTAN, de pays comme la Turquie, ou d'autres pays musulmans», a dit M. Karzaï.

Le président afghan a fait cette déclaration en ouvrant la Loya Jirga, grande assemblée traditionnelle nationale, dont les 2500 délégués sont réunis jusqu'à dimanche à Kaboul pour approuver ou non ce traité bilatéral de sécurité (BSA) négocié laborieusement depuis des mois entre Kaboul et Washington.

Le BSA doit définir les modalités d'une présence militaire américaine en Afghanistan au terme de la mission de combat de l'OTAN.

Quelque 75 000 soldats étrangers sont actuellement présents en Afghanistan dans le cadre de la Force internationale de l'OTAN (ISAF) dirigée par Washington, mais la grande majorité de ces troupes doit se retirer d'ici la fin 2014. Ce départ fait craindre une flambée de violences dans le pays, en partie contrôlé par les insurgés talibans.

Le BSA «peut nous offrir une période de transition pour atteindre la stabilité dans les dix prochaines années», a souligné M. Karzaï devant la Loya Jirga.

«Un avenir meilleur pour l'Afghanistan»

«Quelle que soit la décision que nous allons prendre, nous devons considérer notre prospérité future», a lancé le président afghan aux membres de cette assemblée, des parlementaires, chefs de tribus ou représentants de la société civile venant des 34 provinces du pays.

«Votre décision est attendue au-delà des frontières de l'Afghanistan», a-t-il dit.

Côté américain, le président Barack Obama s'est «réjoui» que les deux pays aient trouvé un accord sur le contenu du BSA, qui permettra de construire «un avenir meilleur pour l'Afghanistan», selon une lettre adressée à son homologue afghan rendue publique par le gouvernement afghan.

Hamid Karzaï a toutefois indiqué que, s'il est approuvé par la Jirga, puis par le Parlement afghan, le BSA ne serait promulgué qu'après l'élection présidentielle du 5 avril, à laquelle il ne peut lui-même participer, la Constitution lui interdisant de briguer un troisième mandat.

«Cet accord sera promulgué quand nos élections auront été organisées, correctement et avec dignité, quand notre stabilité sera garantie et que nous sommes sûrs qu'ils (les Américains) coopéreront avec nous sur cette question», a dit M. Karzaï.

Si cette «élection tourne mal, le pays me maudira», a-t-il insisté, sans se priver d'une de ces déclarations assassines envers ses alliés Américains dont il est coutumier: «Les États-Unis n'ont pas confiance en moi, mais moi non plus».

Ce délai jusqu'à avril pourrait susciter une vive réaction du côté de Washington, qui ne cesse d'insister pour que le traité soit signé au plus vite.

PHOTO OMAR SOBHANI, REUTERS

La Loya Jirga se déroule dans une vaste salle du campus de l'École polytechnique, dans l'ouest de Kaboul. 

Immunité pour les soldats américains

La Loya Jirga se déroule dans une vaste salle du campus de l'École polytechnique, dans l'ouest de Kaboul. En raison des risques d'attentat des talibans, farouchement hostiles au maintien de troupes étrangères dans le pays, un dispositif de sécurité exceptionnel a été mis en place dans la capitale afghane.

Selon un projet d'accord dévoilé par Kaboul, le BSA entrerait en vigueur au 1er janvier 2015 et serait valable pour au moins dix ans.

Ce document indique que les soldats américains qui resteraient en Afghanistan après 2014 bénéficieraient de l'immunité de juridiction, principal point d'achoppement entre les deux pays jusqu'ici.

En Irak, les États-Unis comptaient maintenir un contingent au-delà de 2011, mais ils avaient finalement rapatrié l'ensemble de leurs troupes, car Bagdad avait refusé de leur accorder cette immunité.

La lettre du président Obama confirme en outre que les troupes américaines qui resteraient en Afghanistan après 2014 ne pourraient pénétrer dans des domiciles afghans que dans des «circonstances exceptionnelles», pour protéger la vie de ressortissants américains.

Si le BSA est approuvé, ajoute Barack Obama, les États-Unis s'engagent à poursuivre une coopération étroite avec les forces gouvernementales afghanes en leur apportant «conseil», «entraînement» et «soutien».