En pleine crise diplomatique avec Washington, Benyamin Nétanyahou a été forcé de reculer en gelant un projet de colonisation pour ne pas se mettre à dos la communauté internationale au moment où il veut la convaincre de durcir le ton contre l'Iran.

Le Premier ministre israélien a dû publiquement désavouer, tard mardi soir, son ministre du Logement Uri Ariel qui avait lancé, «sans coordination préalable», un plan de construction de 20 000 logements dans des colonies de Cisjordanie occupée, un chiffre record.

L'annonce de M. Ariel, un dirigeant du Foyer juif, parti d'extrême-droite proche du lobby des colons, a soulevé les critiques des États-Unis et la colère des Palestiniens, qui ont menacé de mettre fin aux négociations.

Le secrétaire d'État américain John Kerry a eu une conversation téléphonique mardi avec M. Nétanayhou, a précisé sa porte-parole Jennifer Psaki en répétant que les colonies restaient «illégitimes» aux yeux des États-Unis.

L'ONU à son tour, par la voix de son coordinateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, Robert Serry, a fait part de son «inquiétude croissante» en raison de l'accélération de la colonisation qui «ne saurait répondre à l'objectif d'une solution négociée à deux États (israélien et palestinien)».

«Cette action provoque une confrontation non nécessaire avec la communauté internationale au moment où nous nous efforçons de persuader des membres de la même communauté de parvenir à un meilleur accord avec l'Iran», a reconnu M. Nétanyahou.

Ce n'est d'ailleurs pas tant le principe même du projet de bâtir en Cisjordanie -- sur lequel il y a un consensus au sein de la droite nationaliste au pouvoir - qui est remis en cause que le choix du moment.

Un proche de M. Nétanyahou, le ministre des Affaires stratégiques Youval Steinitz, a appelé mercredi à une poursuite de la colonisation «de façon intelligente et coordonnée».

Opposition «hystérique»

Le Premier ministre israélien tente de faire pression sur M. Kerry sur le programme nucléaire controversé de l'Iran, en l'accusant de vouloir conclure à tout prix «un très mauvais accord» avec Téhéran, en dépit des assurances américaines que Washington ne laissera jamais l'Iran se doter de l'arme atomique.

«Il n'y a pas seulement deux options sur l'Iran, un mauvais accord ou une guerre. C'est faux. Il y a une troisième option, à savoir continuer à faire pression avec les sanctions», a estimé mercredi M. Nétanyahou devant le Parlement.

«Il n'y a aucune raison de se soumettre aux diktats de l'Iran ni de se précipiter. J'irais jusqu'à dire qu'un mauvais accord pourrait amener la seconde option indésirable (la guerre: ndlr)», a-t-il ajouté.

«Il est possible de parvenir à un bon accord et de démanteler la capacité nucléaire militaire iranienne. Mais on n'y arrivera pas avec la proposition qui est discutée actuellement à Genève», a insisté le dirigeant israélien.

M. Nétanyahou s'est attirée les critiques de l'influent New York Times qui l'accuse, dans un éditorial au vitriol mardi, de nourrir une opposition «hystérique» aux efforts des puissances occidentales pour sceller un accord avec le régime iranien.

Israël a même l'intention de jouer de son influence au Congrès américain pour faire pression sur l'administration Obama avant la reprise des négociations avec Téhéran le 20 novembre.

«Nous allons mener une campagne aux États-Unis auprès de dizaines de membres du Congrès à qui j'expliquerai moi-même que la sécurité d'Israël est en jeu», a expliqué le ministre de l'Economie Naftali Bennett, chef du Foyer juif, avant de se rendre mardi aux États-Unis.

Mais cette offensive diplomatique soulève aussi le scepticisme.

«S'ils (les Américains) ne nous laissent pas bombarder l'Iran, nous bombarderons les États-Unis. Il semble que ce soit la nouvelle stratégie israélienne face à la menace nucléaire iranienne», écrit mercredi l'éditorialiste du quotidien de gauche Haaretz.

«Aucun doute, le temps est venu d'occuper Washington. Il est le véritable ennemi qui mène le monde au précipice et menace l'existence d'Israël. Nous sommes donc prêts à nous suicider dans une bataille contre les États-Unis pourvu que nous soyons persuadés d'avoir eu raison», ironise-t-il.