Le rabbin Ovadia Yossef, le plus influent dirigeant religieux d'Israël et faiseur de rois depuis une trentaine d'années, est décédé lundi à l'âge de 93 ans, provoquant une onde de choc dans le pays.

Le premier ministre Benyamin Nétanyahou a exprimé sa «profonde tristesse» pour la disparition de ce «géant de la Torah et de ce guide pour une foule» d'Israéliens.

«J'admirais beaucoup sa personnalité chaleureuse et sa droiture. J'ai appris de lui à chacune de nos rencontres», a-t-il dit dans un communiqué.

Le chef de l'État Shimon Peres s'est rendu à l'hôpital à son chevet peu avant son décès, interrompant une rencontre avec le président tchèque Milos Zeman, puis y est retourné pour se recueillir sur sa dépouille, selon la présidence.

«C'était notre père à tous, notre dirigeant, nous sommes orphelins, nous restons seuls sans lui, qui va désormais nous guider?», a déclaré en sanglots aux médias le député Aryeh Deri, dirigeant politique du parti ultra-orthodoxe sépharade Shass, dont le rabbin était le chef spirituel.

Plus d'un demi-million de personnes, en majorité des juifs ultra-orthodoxes habillés de noir, hommes et femmes séparés, se pressaient lundi soir aux obsèques du chef religieux, a déclaré à l'AFP la porte-parole de la police Louba Samri.

Beaucoup de participants avaient la chemise déchirée en signe de deuil ou récitaient des psaumes.

«Nous avons perdu un père», a déclaré à l'AFP Eliel Haouzi, 26 ans, en uniforme militaire, ajoutant que «le rabbin Yossef est irremplaçable pour le peuple juif».

Cette marée humaine paralysait une grande partie de la Ville sainte, nombre de quartiers étant bouclés à la circulation, a constaté l'AFP.

Plusieurs milliers de policiers et de volontaires étaient mobilisés pour assurer l'ordre et canaliser la foule, selon Mme Samri.

Il s'agit d'un des enterrements les plus grands de l'histoire de l'État d'Israël, selon les médias.

Une quarantaine de fidèles ont été légèrement blessés lors de bousculades dans l'immense cortège accompagnant le cercueil du rabbin jusqu'au cimetière de Sanhedria, a précisé la Magen David Adom, les services ambulanciers israéliens. Trois ont été conduits à l'hôpital.

Les stations de radio et les chaînes de télévision ont bouleversé leurs programmes après l'annonce de sa mort.

«Malgré tous nos efforts, la dégradation qui s'est produite cette nuit s'est poursuivie (...) le rabbin est mort il y a quelques minutes», a déclaré le Dr Dany Gilon, de l'hôpital Hadassah-Ein Kerem à Jérusalem.

L'état de santé du rabbin Yossef, hospitalisé fin septembre à la suite de problèmes cardiaques et respiratoires s'est brutalement dégradé depuis dimanche soir.

Bestiaire insolite

Le président palestinien Mahmoud Abbas, lors d'une rencontre avec des parlementaires israéliens à Ramallah en Cisjordanie, leur a demandé de «transmettre (ses) condoléances à la famille d'Ovadia Yossef».

Au début des années 2000, le dirigeant religieux avait fait scandale par ses déclarations contre les Palestiniens et les Arabes en général, traités de «fourmis» ou de «serpents».

L'influence de cet ancien grand rabbin sépharade d'Israël dépassait les frontières du monde juif oriental. Il a été longtemps considéré comme un allié incontournable des dirigeants israéliens, qui avaient souvent besoin du Shass pour constituer des majorités.

Ces dernières années, malgré son état de santé vacillant, le rabbin Yossef continuait de recevoir chez lui les hommes politiques de tous bords.

En août 2012, Benyamin Nétanyahou avait ainsi dépêché un de ses proches collaborateurs afin d'obtenir son soutien à une éventuelle attaque contre les installations nucléaires de l'Iran.

Au début des années 1980, le rabbin Yossef s'était prononcé en faveur de concessions territoriales pour parvenir à la paix avec les Palestiniens.

Mais, ces dernières années, il a pris des positions de plus en plus nationalistes, le Shass s'alliant le plus souvent à la droite sous la pression de sa base. Il s'était ainsi dit hostile au retrait unilatéral israélien de Gaza en 2005.

Lors des dernières élections, le Shass avait remporté 11 sièges sur 120, mais avait été exclu du gouvernement pour la première fois depuis de nombreuses années.

Considéré comme un connaisseur exceptionnel de la Torah, le rabbin Yossef avait coutume de s'adresser à ses ouailles dans un langage populaire décapant, qui mêlait dictons, citations de textes sacrés et blagues aux dépens de ses adversaires.

Au fil des ans, il s'en est ainsi pris pêle-mêle aux Arabes, aux juifs laïcs et ashkénazes, en les affublant de toutes sortes de qualificatifs, puisant volontiers dans un riche registre animalier.