La course à la présidence en Afghanistan a véritablement été lancée mardi avec l'entrée en lice d'Abdullah Abdullah, principal rival d'Hamid Karzaï lors du dernier scrutin, qui s'est présenté comme le candidat de la «paix» et de la réconciliation avec les insurgés talibans.

Escorté par un imposant cortège de véhicules tout-terrain bondés de gardes surarmés, M. Abdullah s'est présenté à la mi-journée au bureau de la Commission électorale à Kaboul, où il a déposé son dossier de candidature.

«Nous ferons en sorte que cette élection soit juste pour les Afghans», a déclaré M. Abdullah, accompagné de plusieurs figures de l'opposition, dont l'ancien chef de guerre devenu gouverneur de la province stratégique de Balkh (nord) Atta Mohammad Noor.

Lors de la présidentielle de 2009, M. Abdullah était arrivé en deuxième position au premier tour, avec plus de 30 % des voix. Il s'était retiré du second tour après avoir dénoncé, comme nombre d'observateurs, des fraudes massives, entraînant de facto la réélection d'Hamid Karzaï, qui ne peut aujourd'hui briguer un troisième mandat selon la Constitution.

Né d'une mère tadjike et d'un père pachtoune, deux principaux peuples de l'Afghanistan, cet ancien ophtalmologue pourrait tirer profit de ce métissage dans une élection où le vainqueur devra engranger des suffrages hors de sa communauté ou région d'origine.

«Porte ouverte aux négociations» de paix

M. Abdullah avait été porte-parole du commandant Massoud, célèbre résistant à l'occupation soviétique et au régime taliban, assassiné le 9 septembre 2001, avant d'être ministre des Affaires étrangères du premier gouvernement Karzaï.

Mardi, il s'est présenté comme le candidat du rassemblement, prêt à discuter avec les talibans, chassés du pouvoir en 2001 et qui poursuivent depuis une violente guérilla contre le gouvernement afghan et une coalition internationale menée par les États-Unis.

«Nous laisserons la porte ouverte aux négociations à tous ceux qui sont dans l'opposition, y compris à ceux qui nous combattent», a déclaré M. Abdullah, vêtu d'un costume bleu foncé tranchant avec les chemises longues traditionnelles portées par les Afghans.

«Nous ferons entendre la voix de la paix plus fort que jamais!», a-t-il ajouté lors d'un discours interrompu par les vivats de dizaines de partisans venus à la Commission électorale.

La réalité du terrain pourrait toutefois contrecarrer ses ambitions : les négociations avec les insurgés sont au point mort et ils ont déjà fait savoir qu'ils ne reconnaîtraient pas plus le futur président qu'ils n'ont reconnu M. Karzaï, une «marionnette» de Washington selon eux.

La présidentielle du 5 avril aura lieu de surcroît dans un contexte d'incertitude alimenté par les violences persistantes dans le pays et du départ prévu fin 2014 des 87 000 soldats de l'OTAN.

M. Abdullah «sera l'un des favoris»

Abdullah Abdullah est la troisième personnalité politique à avoir déposé sa candidature, après notamment l'ancien ministre des Finances Ashraf Ghani, un universitaire et économiste respecté, arrivé en quatrième position en 2009, avec 2,94 % des voix.

M. Abdullah «sera l'un des favoris», a déclaré à l'AFP Thomas Ruttig, un expert du Réseau des analystes afghans, soulignant qu'il pouvait compter sur une «base électorale significative» grâce à ses deux candidats aux postes de vice-présidents : Mohammed Mohaqiq, un leader de la minorité hazara, et Mohammad Khan, un pachtoune membre d'une faction modérée du Hezb-i-Islami (islamiste).

«Mais la véritable force du Dr Abdullah ne pourra être mesurée qu'à l'aune des autres candidats», en particulier si M. Karzaï décide de soutenir l'un d'eux, a souligné cet analyste.

Hormis M. Abdullah, aucune personnalité politique de poids ne s'est encore déclarée, la date limite du dépôt des candidatures étant fixée au 6 octobre.

Plusieurs noms de présidentiables sont régulièrement cités comme l'ancien chef de guerre Abdul Rasul Sayyaf ou encore Zalmai Rassoul, actuel ministre des Affaires étrangères.

Le scrutin sera observé avec attention par la communauté internationale qui craint une réédition de l'élection de 2009, marquée par les fraudes et les violences commises par les rebelles.

Le chef des talibans afghans, le mollah Omar, a estimé récemment que la présidentielle était une «perte de temps», sans toutefois promettre une cascade d'attentats.

L'élection a néanmoins déjà été endeuillée par l'assassinat à la mi-septembre du chef de la Commission électorale pour la province de Kunduz (nord) par les rebelles talibans.