Le président iranien Hassan Rohani a fait un nouveau geste d'ouverture vers l'Occident en libérant mercredi plusieurs opposants, peu avant une visite à l'ONU où il veut mettre fin à l'isolement diplomatique de Téhéran.

M. Rohani, un religieux modéré, a été élu grâce au soutien des réformateurs et à ses promesses d'accorder plus de libertés et de résoudre la crise du nucléaire, les grandes puissances et Israël soupçonnant l'Iran de chercher à obtenir la bombe atomique.

Ces libérations, saluées par Washington, Londres et le secrétaire général de l'ONU, sont «un geste de bonne volonté en direction de l'Ouest», a confirmé à l'AFP jeudi une source diplomatique occidentale à Téhéran.

«Cela montre que M. Rohani veut vraiment tenir les promesses faites pendant la campagne et que son message d'ouverture et de modération est crédible», a expliqué cette source.

Le président iranien s'est même directement adressé aux États-Unis, ennemi historique de la République islamique, en accordant un entretien à la chaîne américaine NBC, diffusé mercredi.

Il y a déclaré espérer des «petits pas» diplomatiques entre les deux gouvernements, et répété que son pays ne cherchait pas à obtenir l'arme atomique, assurant qu'il disposait de «suffisamment de marge de manoeuvre politique pour résoudre» la crise nucléaire.

Il faisait allusion à la «flexibilité» dans les discussions accordées par le guide suprême iranien, Ali Khamenei, qui a la haute main sur les questions stratégiques.

«Nous ne cherchons à faire la guerre à aucun pays. Nous cherchons la paix et l'amitié vis-à-vis des nations de notre région», a-t-il encore affirmé.

Mais le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a appelé le monde à ne pas «se laisser duper» par ces déclarations.

La libération de plusieurs de personnalités réformatrices, dont l'avocate des droits de l'Homme Nasrin Sotoudeh, emprisonnée depuis 2010, «pourrait être liée à la visite de M. Rohani à l'ONU», a estimé l'analyste politique iranien Saïd Leylaz au quotidien réformateur Shargh.

Lors de son discours à l'Assemblée générale des Nations unies le 24 septembre, il devrait répéter sa volonté de résoudre par la négociation la crise nucléaire, afin d'obtenir un allègement des sanctions internationales qui étranglent l'économie iranienne.

Le président Rohani a récemment affirmé qu'il souhaitait un accord «gagnant-gagnant» avec les grandes puissances.

Selon la presse, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, doit rencontrer la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton dimanche afin de relancer les négociations avec le groupe 5+1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne), alors que les discussions butent depuis plusieurs années.

Jeudi, M. Zarif a été reçu jeudi par le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon qui a félicité le gouvernement iranien pour ses efforts d'ouverture, notamment la libération des opposants.

«Bataille» en coulisses

Depuis son élection, le président Rohani a opéré plusieurs changements à la tête des équipes responsables du dossier nucléaire, tout en faisant quelques ouvertures en politique intérieure.

En libérant Mme Sotoudeh ainsi que des personnalités politiques et de la société civile arrêtées pendant la contestation ayant suivi la réélection de l'ex-président Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009, le président Rohani «ouvre très prudemment la voie vers la libération d'opposants plus importants», comme les deux dirigeants de l'opposition Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, en résidence surveillée depuis février 2011, estime la source diplomatique.

Ces deux hommes avaient pris la tête de la contestation en dénonçant des fraudes massives lors du scrutin de 2009. Le mouvement, qui a plongé le régime dans l'une des plus graves crises politiques de son histoire, avait été sévèrement réprimé, faisant des dizaines de morts.

Des milliers de personnes avaient été arrêtées, dont des dizaines sont toujours en prison.

Preuve de son soutien au président, l'ayatollah Khamenei a demandé mardi aux responsables des Gardiens de la révolution, la très conservatrice armée d'élite du régime, de «ne pas être actifs en politique».

«Il y a une bataille» en coulisses, a expliqué la source diplomatique occidentale, ajoutant que «les conservateurs tentent d'établir des lignes rouges» face aux réformes.

Mais des avancées dans le dossier nucléaire menant à un allègement des sanctions garantiraient à M. Rohani de garder le soutien de l'ayatollah Khamenei face à la frange dure du régime, pour pouvoir poursuivre sa politique de réformes en Iran.

Ainsi, dans la première partie de son interview par NBC, diffusée mercredi, Hassan Rohani a assuré que son pays ne produirait jamais de bombe nucléaire alors que les puissances occidentales soupçonnent Téhéran de vouloir se doter de l'arme atomique sous couvert d'un programme nucléaire civile.

«Dans aucune circonstance, nous ne chercherons à obtenir des armes de destruction massive, dont des armes nucléaires, et ce ne sera jamais le cas», a-t-il affirmé.

Le président de la République islamique a aussi salué le ton «positif et constructif» de son homologue américain Barack Obama et espéré des «petits pas» diplomatiques entre les deux gouvernements ennemis, qui ont rompu leurs relations diplomatiques après la révolution islamique de 1979.

Par ailleurs, les dirigeants iraniens ont libéré mercredi plusieurs opposants, dont l'avocate des droits de l'homme Nasrin Sotoudeh, des libérations saluées par Washington et Londres.