Le compte à rebours en vue de la présidentielle d'avril en Afghanistan a commencé lundi avec l'ouverture des candidatures à la succession de Hamid Karzaï, dans un scrutin qui fait figure de test pour un pays en guerre depuis 12 ans

Cette journée a toutefois été assombrie par la mort de la femme la plus gradée de la police du Helmand, province instable et fief taliban dans le sud du pays, qui avait été la cible dimanche de tirs par des hommes armés à moto.

L'assassinat de Nigar, 38 ans et mère de deux enfants, est le dernier en date contre des femmes cadres dans la fragile fonction publique afghane endeuillée par des attaques à répétition des talibans qui ont déjà annoncé leur boycottage des élections.

La présidentielle, qui doit marquer la première transition démocratique en Afghanistan, aura lieu le 5 avril dans un contexte d'incertitudes alimenté par l'instabilité persistante dans le pays et le départ prévu fin 2014 de la majorité des 87 000 soldats de l'OTAN.

Elle désignera le successeur de Hamid Karzaï, seul homme à avoir dirigé le pays depuis la chute du régime des talibans, chassés en 2001 par une coalition militaire menée par les États-Unis.

M. Karzaï, 55 ans, ne peut briguer un troisième mandat, selon la Constitution.

Les prétendants à sa succession pourront déposer leur candidature jusqu'au 6 octobre. Si aucun ne s'est encore officiellement déclaré, quelque «29» personnes ont déjà reçu les formulaires de candidature, a déclaré à l'AFP Noor Mohammad Noor, porte-parole de la Commission électorale indépendante (IEC), chargée de veiller au bon déroulement du scrutin.

«Certains sont des indépendants, d'autres sont affiliés à des partis politiques, mais jusqu'à présent il n'y a pas de femmes», a dit M. Noor.

Une fois cette phase achevée, la liste officielle des candidats sera publiée le 16 novembre, à la veille du lancement de la campagne électorale.

Pour l'heure, cette élection n'a ni candidat déclaré, ni favori, M. Karzaï n'ayant laissé, selon des observateurs, aucune personnalité émerger dans le paysage politique afghan.

Mais en coulisses, des alliances se nouent entre les partis pour présenter un candidat en position de force le jour du scrutin, et la capitale bruisse de rumeurs.

Les noms d'Abdullah Abdullah, rival de M. Karzaï lors de la présidentielle de 2009, d'Abdul Rasul Sayyaf, ancien seigneur de guerre, ou encore du ministre des Affaires étrangères, Zalmai Rassoul, sont souvent cités comme d'éventuels présidentiables.

Le scrutin fait figure de test majeur pour un pays qui n'est pas parvenu, malgré 12 ans de guerre et la puissante machine militaire de l'OTAN, à venir à bout de l'insurrection des rebelles talibans, ni à leur faire accepter une paix négociée.

Attentats, enlèvements, affrontements armés... les violences sont quotidiennes dans ce pays de 30 millions d'habitants qui compte parmi les plus pauvres du monde, et les quelque 350 000 membres des forces afghanes (policiers, militaires, paramilitaires) qui ont pris le relais de l'OTAN pour assurer la sécurité du pays sont loin de présenter les mêmes garanties que les troupes de la coalition, bien mieux équipées et organisées.

Dans ce contexte, la communauté internationale craint une réédition de l'élection de 2009, marquée par des fraudes massives et les violences des rebelles.

Mais les critiques commencent déjà à poindre alors que M. Karzaï a désigné lundi les cinq membres de la Commission des plaintes électorales (ECC).

«La majorité des nouveaux membres de la commission sont soit des alliés du président soit de ses proches», a souligné Thomas Ruttig, un expert du Réseau des analystes afghans.

«La composition de cette commission renforce donc le contrôle du président sur les structures électorales», a-t-il déclaré à l'AFP.

Des responsables occidentaux, mais aussi les bailleurs de fonds de l'Afghanistan, ont prévenu Kaboul que le bon déroulement du scrutin était crucial pour préserver les fragiles acquis de la démocratie afghane.

«Une élection présidentielle transparente, crédible et ouverte à tous est désormais ce qu'il y a de plus important pour la transition démocratique en Afghanistan», a écrit l'ambassadeur américain James Cunningham, dans une tribune publiée la semaine dernière dans la presse afghane.