Pour limiter le risque d'attentats à la voiture piégée, les autorités irakiennes ont mis en place une circulation alternée à Bagdad, mais de nombreux habitants n'y voient qu'une contrainte de plus dans un quotidien déjà difficile.

«Vous ne pensez pas que quelqu'un qui veut faire exploser une voiture piégée peut le faire tout aussi facilement un jour pair qu'un jour impair?», dit Ali Jamil Ahmed, un fonctionnaire à la retraite.

Les extrémistes «peuvent faire tout ce qu'ils veulent. Ils peuvent aussi simplement venir à pied et se faire exploser», ajoute-t-il en parlant des attentats suicide.

Depuis samedi, les voitures de particuliers ne peuvent circuler qu'un jour sur deux, sur la base du dernier numéro --pair ou impair-- de leur plaque minéralogique.

La mesure vise à mieux contrôler les voitures suspectes aux barrages filtrants pour faire échec aux poseurs de bombes.

La capitale irakienne a été la cible d'une vague d'attentats à la voiture piégée, à un rythme quasi hebdomadaire tout au long de l'été, et ce malgré un déploiement massif de forces de sécurité.

Les contrevenants sont passibles d'une amende de 30 000 dinars (25 dollars), et leurs voitures sont expédiées à la fourrière.

«C'est un fardeau de plus. Les rues restent les mêmes, la circulation est la même. Ca ne résout rien et je ne pense pas que cela améliore la sécurité», affirme Abdoul Khader Saad, un marchand de roses de 37 ans.

«J'avais pour habitude de venir au marché en voiture pour transporter ma marchandise. Maintenant il va me falloir prendre un taxi», ajoute-t-il.

Les taxis, camions, autobus, et minibus gardent le droit de rouler tous les jours. Tout comme les voitures du gouvernement, et celles des médecins, juges, professeurs d'université et journalistes, des exceptions qui irritent le reste de la population.

Pour, Jabar Khalaf, un chauffeur de minibus de 43 ans, la mesure peut toutefois contribuer à améliorer la sécurité.

«Avec moins de voitures dans les rues, on pourra mieux les contrôler» aux nombreux barrages filtrants érigés partout en ville, dit-il.

«Demain, il me faudra prendre un taxi pour aller travailler. Mais je me sens quand même plus en sécurité dans les rues»,  estime également Hachem Mohamed Hanoun, un vendeur de vêtements interviewé au volant de sa voiture.

Les six millions d'habitants de la capitale sont très dépendants de leurs voitures en raison du manque de transports en commun, et les embouteillages sont d'autant plus nombreux que les barrages filtrants créent des goulots d'étranglement.

«J'avais l'habitude de passer le pont en voiture, c'était plus facile et plus rapide», confie Dhia Nadhim, employé de magasin qui compte désormais sur un batelier pour traverser le Tigre.

«Maintenant, je dois garer ma voiture de ce côté de la rive et payer 1000 dinars (0,85 USD) par traversée. Et une fois de l'autre côté, il me faudra encore prendre un bus ou un taxi pour aller jusqu'à mon travail», ajoute-t-il.

Le batelier, Hicham Ahmed, 21 ans, se félicite lui de la venue de nouveaux clients.

Avant, «je gagnais peut-être 10 000 dinars (8,5 USD) par jour, maintenant ça peut aller jusqu'à 25 000 (21 USD)», dit-il.

Un chauffeur de taxi, Adel Karim, s'inquiète pour sa part des problèmes que l'interdiction pose à la population à quelques jours de la rentrée scolaire.

Une mesure de circulation alternée avait déjà été mise en place à Bagdad en 2005 pour tenter de contrer une flambée de violence qui s'était transformée en une  guerre confessionnelle de plus de deux ans entre sunnites et chiites.

Les autorités affirment que la mesure est temporaire mais l'interdiction de 2005 est restée en place six ans.