Une cinquantaine de réfugiés iraniens en Irak ont été tués dimanche par l'armée irakienne, selon les Moujahidine du peuple, un groupe d'opposition au régime de Téhéran qui affirme depuis des années que Bagdad veut l'éliminer.

Les Nations unies n'étaient pas en mesure immédiatement de confirmer ces informations, contestées par Bagdad, mais le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) a «fermement condamné» l'attaque et «l'usage meurtrier de la force» contre des populations civiles.

Le bureau du premier ministre irakien Nouri al-Maliki a annoncé dans la soirée la mise en place d'une commission d'enquête, sans se prononcer sur les circonstances du drame.

«La commission a déjà commencé son travail et cela prendra plusieurs jours», a déclaré à l'AFP Ali al-Moussaoui, le porte-parole de Maliki, qui n'a donné aucun bilan.

Les Moujahidine du peuple, installés de longue date en Irak, ont dénoncé «une attaque meurtrière lancée sur ordre de Maliki» dimanche à l'aube contre leur camp à Achraf, à une quarantaine de kilomètres au nord-est de Bagdad, non loin de la frontière iranienne.

Ils ont fourni les identités de 52 des personnes qui, selon eux, ont été tuées dans un «assaut» des forces de sécurité irakiennes, précisant que les corps de plusieurs victimes ont été retrouvés «ligotés et fusillés». Et ils ont diffusé des photos d'hommes abattus au milieu de flaques de sang, certains avec les mains attachées.

«Fusiller des personnes sans armes et sans défense, qui plus est les mains liées dans le dos, relève du crime contre l'humanité», s'est indignée la présidente du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), dont les Moujahidine du peuple sont la principale composante, Maryam Radjavi.

Maryam Radjavi, a demandé aux Nations unies «d'installer des Casques bleus de l'ONU à Achraf pour la protection des habitants», dans un communiqué transmis depuis Paris.

La mission de l'ONU en Irak a annoncé qu'elle enverrait lundi des enquêteurs à Achraf.

Son représentant, Gyorgy Busztin, a condamné la violence dans un communiqué et estimé que le gouvernement irakien «doit fournir une assistance médicale immédiate aux blessés et assurer leur sécurité».

Informations contradictoires

L'ambassade des États-Unis à Bagdad, dans un communiqué, a condamné «les terribles événements» tout en appelant elle aussi les autorités irakiennes à assurer la protection du camp.

Plus tôt dans la journée, un colonel de police irakien avait affirmé à l'AFP que cinq obus de mortier étaient tombés sur le camp, «après quoi des réfugiés en colère ont attaqué les soldats qui assurent la protection du camp».

Trois soldats ont été tués et quatre ont été blessés au cours d'un échange de tirs, selon la police, qui n'était pas en mesure de dire qui avait tiré les obus de mortier.

Un responsable médical à l'hôpital de Baqouba, non loin de là, a confirmé avoir reçu les corps des trois soldats ainsi que les quatre blessés.

Le responsable irakien responsable du camp, Haki al-Charifi, a pour sa part démenti toute attaque du camp par les forces de sécurité. «Pas un seul soldat n'a pénétré dans le camp d'Achraf», a-t-il déclaré à l'AFP.

Un responsable gouvernemental, qui a requis l'anonymat, a également démenti toute attaque, affirmant toutefois qu'un rapport des services de sécurité faisait état «de combats dans le camp entre des factions différentes» de Moujahidine.

Des «mensonges», selon les Moujahidine, qui évoquent un «massacre» et s'inquiètent du sort de 10 personnes qui auraient disparu.

Il n'était pas possible de vérifier ces informations contradictoires de source indépendante.

Le camp d'Achraf hébergeait une centaine de membres des Moudjahidine du peuple. Près de 3000 autres membres de l'organisation ont été transférés en 2012 d'Achraf à un ancien camp américain, Camp Liberty, à Bagdad.

Les Moudjahidine du peuple ont accusé les autorités irakiennes de chercher à les déloger d'Achraf où, selon eux, l'approvisionnement en eau et électricité a été coupé il y a 15 jours.

Les deux camps de réfugiés ont déjà fait l'objet d'attaques, par le passé. Des obus de mortiers ont notamment été tirés en février et en juin contre le camp Liberty faisant des victimes.

Les opposants iraniens sont présents en Irak depuis les années 1980 lorsqu'ils ont été accueillis par Saddam Hussein pendant la guerre Iran-Irak.

Depuis le renversement du régime de Saddam Hussein, l'Irak, à majorité chiite, s'est rapproché de l'Iran.

L'Union européenne et les États-Unis ont retiré les Moujahidine du peuple de leurs listes d'organisations terroristes en 2009 et 2012 respectivement.

L'ONU cherche depuis plusieurs années de nouveaux pays d'accueil pour ces réfugiés iraniens. Soixante et onze d'entre eux ont été accueillis en juin par l'Albanie, et l'Allemagne a promis d'en prendre 100.