Des hommes armés ont enlevé vendredi à Beyrouth deux pilotes de la Turkish Airlines afin que leur pays contraigne les rebelles syriens à relâcher neuf chiites libanais qu'ils détiennent depuis mai 2012.

Peu après, la Turquie a appelé ses citoyens à quitter le Liban et à ceux comptant s'y rendre d'annuler leur voyage «sauf impératif vital».

Selon une source de sécurité, quatre hommes armés à bord de deux voitures ont participé à l'enlèvement des deux ressortissants turcs qui se trouvaient dans un bus se rendant de l'aéroport vers un hôtel en ville. Les sept autres passagers sont repartis vers Istanbul dans l'après-midi.

«Les hommes armés ont affirmé aux membres d'équipage que ce rapt était lié à la situation des otages libanais» en Syrie, a expliqué à l'AFP l'ambassadeur de Turquie à Beyrouth, Inan Ozyildiz.

D'après une source gouvernementale libanaise, alors qu'un accord prévoyait que tous les captifs libanais soient libérés ces jours-ci, pour la fête de l'Aïd el-Fitr, qui marque la fin du mois du ramadan, les ravisseurs sont revenus sur leurs engagements, ne comptant libérer que deux otages libanais contre 134 femmes relâchées par le régime de Damas. Les autorités syriennes avaient accepté de libérer ces prisonnières à la demande des Libanais.

L'enlèvement des pilotes turcs a eu lieu dans une zone majoritairement chiite, contrôlée par les mouvements Amal et Hezbollah.

Le ministre libanais de l'Intérieur Marwane Charbel a annoncé à l'AFP qu'une enquête avait été ouverte et que le conducteur du bus était interrogé.

Le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu s'est entretenu au téléphone avec le premier ministre libanais Najib Mikati et le président du Parlement et chef du mouvement Amal Nabih Berri, a indiqué le ministère turc des Affaires étrangères.

Le ministère a souligné attendre du gouvernement libanais qu'il prenne «toutes les mesures pour la sécurité des citoyens (turcs) vivant au Liban».

«Lors de ma conversation avec M. Davutoglu, j'ai condamné cet acte et je lui ai dit que nous faisons tout notre possible pour identifier les ravisseurs et pour libérer» les pilotes, a déclaré de son côté M. Mikati à l'AFP.

«Je lui ai précisé que nous menons tous les contacts sécuritaires nécessaires, notamment après que les familles des otages (libanais, NDLR) ont démenti toute implication dans ce rapt», a-t-il ajouté.

Cependant, Hayat Aawali, l'épouse d'un des otages détenus en Syrie, a affirmé à la télévision: «Nous condamnons en principe les enlèvements, mais dans ce cas précis, nous le soutenons et nous félicitons ceux qui l'ont fait. Nous les remercions car (...) nous ne pouvions pas le faire nous-mêmes».

Dans un communiqué montré sur une chaîne libanaise, mais dont l'authenticité n'a pu être confirmée, un groupe inconnu jusqu'à présent, le «groupe des visiteurs de l'imam Ali al-Rida», a revendiqué le rapt.

Cet imam est le huitième vénéré par les chiites (766-818) et le seul à être enterré en Iran. C'est au retour d'une visite sur sa tombe que les pèlerins libanais chiites ont été enlevés à Azaz, dans le nord de la Syrie. Les femmes du groupe ainsi que deux hommes avaient ensuite été libérés.

L'enlèvement avait été revendiqué par un homme se présentant comme Abou Ibrahim et se disant membre de l'Armée syrienne libre (ASL, rebelles), mais l'ASL avait alors nié toute implication.

«Nous annonçons que le capitaine Murat Akpinar et son copilote Murat Agca sont nos invités jusqu'à la libération de nos frères, qui après avoir visité les lieux saints (chiites en Iran) ont été kidnappés à Azaz. La Turquie est directement responsable de la liberté» des otages libanais, a affirmé le groupe.

À la suite de ce rapt, des soldats libanais se sont déployés dans le secteur.

Les familles des personnes enlevées ont manifesté à plusieurs reprises devant les locaux de Turkish Airlines à Beyrouth, appelant Ankara à user de son influence auprès des rebelles qu'elle soutient face au régime de Damas pour obtenir la libération de leurs proches.

Selon leurs ravisseurs, les otages libanais sont des membres du Hezbollah, qui combat aux côtés des forces gouvernementales contre les rebelles syriens.

Le Liban subit les contrecoups de la guerre en Syrie avec des violences fréquentes à la frontière et une montée des tensions communautaires.