Le nombre de victimes civiles du conflit afghan a augmenté de 23% au cours du premier semestre 2013, a indiqué l'ONU mercredi, une «escalade» qui jette le doute sur la capacité des forces afghanes à assurer la sécurité du pays après le départ de l'Otan fin 2014.

«L'escalade du nombre de morts et de blessés (...) a conduit à une augmentation de 23% du nombre de victimes civiles au cours des six premiers mois de l'année 2013 par rapport à la même période en 2012», indique un rapport de la mission de l'ONU en Afghanistan (Unama) publié mercredi.

Du 1er janvier au 30 juin 2013, le conflit afghan, qui oppose les insurgés talibans, chassés du pouvoir en 2001, aux forces gouvernementales afghanes et à une coalition internationale, a fait 1.319 morts et 2.533 blessés parmi les civils, selon ce document.

Sur ce total, 74% des victimes sont directement dues à des attaques des rebelles, qui ont gagné du terrain ces dernières années malgré les moyens militaires considérables engagés par la Force internationale de l'Otan en Afghanistan (Isaf), États-Unis en tête.

Le rapport de la mission de l'ONU constate que le conflit «frappe de plus en plus les femmes et les enfants»: en 2013, «les violences ont tué 106 femmes et en ont blessé 241, soit une augmentation de 61%» par rapport à 2012. Dans le même temps, 231 enfants ont été tués et 529 blessés (+30%).

«L'augmentation des victimes civiles vient à rebours de la diminution constatée en 2012», souligne l'Unama, qui regrette que «le gouvernement afghan n'ait pas encore mis en oeuvre les mesures concrètes à même de limiter le nombre de victimes civiles».

L'Isaf a estimé que cette hausse inquiétante des victimes civiles après presque 12 ans de guerre apportait la preuve que les insurgés «ne tiennent pas leur promesse de protéger les civils». Le ministère afghan de l'Intérieur a renchéri sur ce thème en affirmant que les talibans utilisaient les civils comme «boucliers humains».

Une bombe dissimulée dans un jouet

«Nous rejetons fermement ce rapport sans fondement», ont riposté les insurgés. «Comme d'habitude, ce document a été préparé et publié par l'Unama à la demande des Américains et il est complètement partial».

Le rapport relève que l'une des armes de prédilection des talibans, les engins explosifs artisanaux, restent en 2013 à l'origine du plus grand nombre de victimes civiles (35%). Ces bombes ont fait 443 morts et 917 blessés dans les six premiers mois de l'année, soit un tiers de plus qu'au premier semestre 2012.

L'Unama donne l'effroyable exemple d'une bombe camouflée dans un «téléphone jouet» qui a tué une fillette de 10 ans, le 12 juin dernier, dans la province de Nangarhar (est).

Mais la mission de l'ONU s'alarme également d'une «nouvelle tendance»: l'augmentation du nombre de civils victimes des affrontements de plus en plus fréquents entre les forces afghanes et les insurgés. Quelque 207 civils ont ainsi été tués et 764 blessés au cours de combats en 2013 (+42%).

Les 350 000 hommes des forces de sécurité afghanes (policiers, militaires, paramilitaires) sont de plus en plus exposés aux assauts des rebelles depuis que ces forces ont pris la responsabilité de la sécurité du pays en lieu et place de l'Isaf, qui se contente désormais d'une mission de soutien et de formation.

La majorité des 100 000 membres de la coalition doit quitter progressivement l'Afghanistan d'ici à fin 2014. Mais des doutes persistent quant à la capacité des forces afghanes, moins entraînées, moins bien équipées et minées par des problèmes de désertion, à prendre le relais.

«Il est clair que la violence s'est aggravée cette année», a estimé l'analyste Kate Clark, du centre de réflexion Afghanistan Analysts Network. «Et il n'y a aucun élément pour étayer la thèse du président (afghan Hamid) Karzaï selon laquelle les insurgés se calmeraient à mesure que les troupes étrangères partiraient».

L'Unama recommande d'ailleurs à l'Isaf de «renforcer son soutien» aux forces afghanes. Le Pentagone a lui-même estimé mardi dans un rapport que si l'armée afghane était de plus en plus efficace, elle aura besoin «d'une aide continue et d'un soutien militaire» jusqu'à fin 2014.