Le renversement du président islamiste égyptien Mohamed Morsi par l'armée, sous la pression populaire, brise les rêves du Hamas palestinien, au pouvoir à Gaza, de peser dans les révolutions arabes, selon des experts.

Galvanisé depuis deux ans par la poussée des islamistes en Égypte et en Syrie, le Hamas tente de faire bonne figure face à leur reflux, le chef de son gouvernement à Gaza, Ismaïl Haniyeh, appelant vendredi à ne pas céder à la «tristesse» en désespérant des révolutions arabes.

«Nous anticipons qu'il sortira quelque chose de bon de ce printemps et de ces révolutions arabes et de cette renaissance», a-t-il assuré.

Mais les experts considèrent que le Hamas, mouvement issu des Frères musulmans, a perdu un allié de poids avec la destitution de Mohamed Morsi, candidat de la confrérie élu il y a un an.

«Ce qui est arrivé en Égypte porte un coup aux Frères musulmans, en particulier dans la bande de Gaza», juge le politologue palestinien Hani Habib.

«La situation sécuritaire dans le Sinaï servira de justification pour faire pression sur le Hamas», explique-t-il, envisageant «des mesures expéditives de la sécurité égyptienne qui pourraient toucher le Hamas, comme des restrictions aux déplacements de ses cadres».

Vendredi, les autorités égyptiennes ont fermé le point de passage de Rafah, unique accès à la bande de Gaza qui ne soit pas contrôlé par Israël, en raison d'attaques menées dans la péninsule du Sinaï.

Selon Moukhaïmer Abou Saada, professeur de science politique à l'Université Al-Azhar de Gaza, «ce qui s'est passé en Égypte est un cauchemar pour le Hamas, qui ne s'y attendait pas».

«Tout au long de l'année écoulée, le Hamas a tissé une relation avec Morsi et les Frères musulmans», souligne-t-il, évoquant de nombreuses rencontres au plus haut niveau et «une coopération officielle» entre les deux gouvernements.

«Le nouveau gouvernement égyptien n'aura pas de bonnes relations avec le Hamas, qui ne pourra plus compter sur la même pression populaire qu'auparavant» en faveur de Gaza, estime-t-il, rappelant qu'une féroce campagne dans les médias égyptiens a accusé le Hamas d'ingérence dans les affaires du pays, avant et après la révolution.

Un tribunal égyptien a affirmé le 23 juin que le Hamas et le Hezbollah chiite libanais étaient impliqués dans l'évasion de prisonniers, dont M. Morsi, organisée par les Frères musulmans pendant la révolte contre Hosni Moubarak début 2011.

Modus vivendi

Conscient du risque que le Hamas devienne un «pion» dans la bataille politique interne en Égypte, un dirigeant du mouvement palestinien installé au Caire, Moussa Abou Marzouk, avait déclaré en avril à l'AFP avoir noué des contacts avec l'opposition.

A contrario, les dernières péripéties des révolutions arabes, avec la chute de M. Morsi et la résistance du président syrien Bachar al-Assad, confortent le choix de neutralité affichée du président palestinien Mahmoud Abbas, dont le Fatah gouverne les zones autonomes de Cisjordanie.

«En Égypte, certains ont profité de la division entre le Fatah et le Hamas pour allumer la haine entre les peuples égyptien et palestinien. Quelle que soit la crédibilité des accusations contre le Hamas, il est injuste de les généraliser à l'ensemble des Palestiniens», affirme vendredi dans un éditorial le quotidien palestinien Al-Qods.

«Nous ne sommes partie prenante d'aucune lutte ou conflit qui se déroule ici ou ailleurs», a déclaré mercredi à Beyrouth le président palestinien.

Les experts estiment néanmoins que le Hamas parviendra à trouver un modus vivendi avec la nouveau pouvoir en Égypte, comme sous Moubarak.

«Le Hamas n'est pas obligé de rester avec les Frères musulmans, après tout il a longtemps été du côté du régime syrien qui les réprimait», relève Moukhaïmer Abou Saada.

L'expert politique Moustapha Sawaf, ancien rédacteur en chef d'un journal proche du Hamas, exclut que «la relation redevienne aussi mauvaise que du temps de Moubarak, quelle que soit la nouvelle donne en Égypte».

«Le dossier palestinien et de la bande de Gaza est un dossier sécuritaire dépendant des services de renseignements égyptiens qui n'ont pas changé depuis l'époque Moubarak», relève-t-il.