Les talibans ont attaqué mardi la présidence afghane et des bureaux de la CIA à Kaboul, tuant trois gardes lors d'un assaut qui illustre la fragilité du processus de paix une semaine après l'ouverture par les insurgés d'un bureau politique à Doha.

L'attaque, menée dans une zone ultra-sécurisée de la capitale afghane par cinq rebelles déguisés en soldats de l'OTAN qui y ont tous laissé leur vie, est l'une des plus audacieuses menées par les insurgés depuis leur tentative d'assassinat contre le président afghan Hamid Karzaï en avril 2008.

Elle est éminemment symbolique, car elle a visé l'épicentre du pouvoir afghan - le palais présidentiel, résidence de M. Karzaï - et des locaux de la puissante agence de renseignement américaine.

Plusieurs responsables afghans ont toutefois affirmé que la sécurité et l'intégrité du palais comme du bâtiment de la CIA n'avaient pas été compromises, les assaillants n'ayant pu les approcher suffisamment.

Le commando taliban, composé de cinq personnes selon le ministère de l'Intérieur, est passé à l'action vers 6 h 30 (22 h lundi à Montréal).

Un bruit sourd d'explosions et le crépitement de rafales de fusils d'assaut ont retenti dans la ville, tandis que les puissants haut-parleurs de l'ambassade américaine diffusaient des messages d'alerte. Quelques minutes plus tard, un épais nuage de fumée noire s'élevait au-dessus de la zone.

Un kamikaze «s'est fait exploser devant l'hôtel Ariana», où est installé le bureau de la CIA, non loin du palais présidentiel, a indiqué un porte-parole du ministère de la Défense afghan, Dawlat Waziri.

D'autres assaillants «ont été tués par les forces de sécurité», a-t-il ajouté.

Ils se trouvaient dans deux voitures bourrées d'explosifs et ont tenté de se faire passer pour un convoi de la force de l'OTAN en Afghanistan (ISAF), a détaillé le chef adjoint de la police de la ville, Mohammad Daud Amin.

«Il y avait deux véhicules, deux Land Cruiser équipés de badges de l'ISAF (...), ils portaient des uniformes de l'ISAF», a-t-il expliqué.

Attaque au lendemain de la visite d'un émissaire américain

Arrivé au niveau d'un poste de sécurité, «le premier véhicule a été contrôlé, il a pu passer. Mais les gardes ont eu des doutes pour la deuxième voiture et ont tenté de l'arrêter. Un combat s'est engagé et les voitures ont explosé», a-t-il poursuivi.

Trois gardes afghans, qui tenaient un poste de sécurité à proximité de l'hôtel Ariana, ont été tués et un autre blessé, a indiqué à l'AFP un porte-parole du gouvernement afghan, Rafi Ferdous.

«Les États-Unis condamnent fermement l'attaque survenue aujourd'hui», a réagi dans un communiqué l'ambassadeur américain à Kaboul, James Cunningham, en appelant «une fois encore les talibans à discuter paix et réconciliation avec le gouvernement afghan».

Mais cette nouvelle attaque montre que le chemin vers la paix sera long et difficile dans un pays en guerre depuis près de 12 ans et où la violence fait partie du quotidien.

Les talibans ont attaqué au lendemain d'une rencontre à Kaboul entre le président Karzaï et l'envoyé spécial américain pour l'Afghanistan et le Pakistan, James Dobbins.

Ce dernier a déclaré lundi que Washington était «scandalisé» par la manière dont les talibans avaient ouvert, mardi dernier, leur bureau au Qatar, censé être le premier pas en vue d'un accord de paix en Afghanistan.

Lors de l'installation de ce bureau, les rebelles, qui combattent le gouvernement de Kaboul et les forces internationales, ont utilisé des références à l'Émirat islamique d'Afghanistan (appellation du gouvernement taliban avant sa chute en 2001), provoquant la colère du président Karzaï.

Les talibans avaient prévenu dès la semaine dernière que d'éventuels contacts diplomatiques ne les empêcheraient pas de mener des attaques.

Le 11 juin, les rebelles avaient attaqué un autre symbole du pouvoir afghan en perpétrant un attentat-suicide contre la Cour suprême, qui avait fait 15 morts.

La violence a aussi frappé dans le sud du pays mardi matin : huit femmes et deux enfants d'une même famille ont été tués par une bombe dans la province de Kandahar, bastion taliban, alors qu'ils se rendaient à une cérémonie de fiançailles, selon les autorités locales.

L'émissaire américain James Dobbins a quitté Kaboul mardi pour le Pakistan voisin, où il devait rencontrer dans la journée le premier ministre Nawaz Sharif.

Cette visite sera elle aussi largement consacrée aux moyens de ramener la paix en Afghanistan, ont indiqué plusieurs responsables pakistanais. Le Pakistan, historiquement très proche des talibans, est considéré comme un acteur essentiel pour  y parvenir.