Le Parlement libanais a prolongé son mandat vendredi et reporté les élections prévues en juin en raison de l'incapacité des partis politiques à s'accorder sur une loi électorale, mais surtout des profondes divisions suscitées par la guerre en Syrie voisine.

La proposition de loi, présentée par un député chrétien indépendant Nicolas Fattouche, a été adoptée à l'unanimité des 98 députés présents sur 128.

Mais chacun des camps a accusé l'autre d'être responsable du report des élections.

«La durée du mandat de la législature sera modifiée exceptionnellement pour prendre fin le 20 novembre 2014», indique le texte, en soulignant que la raison de la prolongation est «la situation sécuritaire dans plusieurs régions libanaises qui s'accompagne d'une escalade politique, et une division souvent à caractère confessionnel».

«Les tensions sécuritaires et politiques empêchent la tenue d'une campagne électorale», y est-il écrit.

La législature de quatre ans devait s'achever le 20 juin et selon la loi, les élections doivent être organisées dans les 60 jours précédant la fin du mandat.

Pour la doyenne de la faculté de Sciences politique de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, Fadia Kiwane, «il faut rechercher la vraie raison de l'extension dans le fait que tous les partis veulent gagner du temps pour savoir qui, du régime ou de l'opposition, l'emportera en Syrie».

«Les parties libanaises, qui soutiennent l'un ou l'autre camp, pensent que cela facilitera grandement leur victoire», assure-t-elle.

Car si les troupes syriennes ont quitté le Liban en 2005 après 30 ans d'hégémonie sur le pays, le régime du président Bachar Al-Assad y garde une influence importante grâce à l'appui du puissant mouvement chiite armé Hezbollah et de son allié chrétien Michel Aoun.

Ce dernier a envoyé de nombreux combattants en Syrie pour aider l'armée face aux rebelles.

«Préserver l'union nationale»

Le Liban, profondément divisé entre pro et anti-régime syrien, est par ailleurs régulièrement le théâtre d'affrontements meurtriers entre militants libanais des deux camps dans la grande ville du nord, Tripoli.

Au niveau politique, la coalition du 14 mars composée de forces politiques antisyriennes et hostiles au Hezbollah et qui soutient l'opposition syrienne, fustige l'intervention en Syrie du mouvement chiite.

Après le vote, Fouad Siniora, chef du groupe parlementaire Futur de Saad Hariri, membre de cette coalition, a déclaré : «Nous avons été contraints de voter pour ce mauvais projet, afin d'éviter le vide et après les incendies déclenchés dans plusieurs régions et le développement négatif grave que représente l'intervention du Hezbollah en Syrie».

Tous les blocs parlementaires étaient présents à la séance du Parlement sauf le Courant patriotique libre de Michel Aoun qui refuse la prolongation du mandat du Parlement, contrairement à son allié du Hezbollah.

Il a indiqué avoir l'intention, comme le chef de l'État Michel Sleimane, de présenter un recours au Conseil constitutionnel, mais qui a peu de chance d'aboutir.

Pour Mme Kiwane, «ce qui se passe est pourtant illégal. Les incidents de sécurité ne représentent pas un cas de force majeure pour reporter les élections».

À l'extérieur du Parlement, quelques dizaines de manifestants ont jeté des tomates sur un calicot avec la photo des députés et la mention «Vous avez échoué, rentrez chez vous».

Ce report est intervenu après des mois de vaines tractations sur une nouvelle loi électorale, car les chrétiens estiment que le texte actuel les désavantage.

Les chrétiens représentent en gros un tiers de la population, contre un tiers de sunnites et un dernier de chiites. Les Druzes représentent environ 7%.

Dans un entretien au quotidien français Le Figaro, le premier ministre libanais Tammam Salam a appelé à «préserver l'union nationale». Ce dernier, désigné le 6 avril, peine pour sa part à former un nouveau gouvernement en raison aussi des divisions accentuées par la crise syrienne.