Les 4 milliards de dollars d'investissements dans l'économie palestinienne qu'a fait miroiter le secrétaire d'État américain John Kerry paraissaient insuffisants pour favoriser des négociations de paix, les Palestiniens insistant sur la dimension politique et Israël gardant le silence sur un projet encore flou.

La direction palestinienne a d'ores et déjà prévenu lundi qu'elle «n'offrirait pas de «concession politique en échange de facilités économiques», dans un communiqué du président du Fonds d'investissement de Palestine Mohammad Moustapha, conseiller économique du président Mahmoud Abbas.

«Elle n'acceptera pas que l'économie soit le premier et seul composant, mais souhaite qu'elle entre dans un cadre politique qui garantisse la création d'un État palestinien sur les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale, les droits des réfugiés et une référence pour une solution politique, telles sont les priorités», selon le texte.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou prône depuis des années l'idée d'une «paix économique», selon laquelle l'amélioration des conditions de vie des Palestiniens les rendrait plus enclins à des compromis.

Un des porte-parole du Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza, Fawzi Barhoum, a affirmé sur sa page Facebook que «le soi-disant plan économique dont a parlé Kerry vend une illusion trompeuse à l'opinion publique, tout en gagnant du temps au profit de l'entité israélienne».

M. Kerry a annoncé dimanche un plan de 4 milliards de dollars d'investissements pour relancer l'économie palestinienne, lors de la clôture de la réunion du Forum économique mondial à Al-Chounah (Jordanie).

Le chef de la diplomatie américaine a évoqué des expertises tablant sur «une augmentation jusqu'à 50 % du PIB palestinien sur trois ans», ainsi qu'une réduction du taux de chômage, sans révéler les détails du financement de l'opération.

Il s'est contenté de préciser que l'émissaire du Quartette pour le Proche-Orient (États unis, Russie, Union européenne, ONU) Tony Blair serait chargé de concevoir ce plan.

«Parallèlement, au processus politique, pas pour le remplacer»

Les services du Quartette à Jérusalem ont indiqué être «en train d'analyser le potentiel de plusieurs secteurs de l'économie palestinienne et d'identifier les mesures qui pourraient être prises pour stimuler la croissance», citant «le tourisme, les technologies de l'information, l'agriculture et la construction».

«Ce plan complètera, soutiendra et se développera parallèlement à un processus politique et n'a pas pour but de le remplacer», a assuré le Quartette.

Israël n'a pas réagi officiellement à ce projet, dont une partie importante devrait se réaliser en «zone C», soit les 60 % de Cisjordanie sous son contrôle total.

«La zone C est partie intégrante de l'État de Palestine, la colonne vertébrale de l'économie palestinienne. La véritable souveraineté prospère ou meurt selon qu'on la contrôle ou non», affirmait l'Autorité palestinienne dans son rapport pour la réunion des pays donateurs à Bruxelles en mars.

«Des estimations basses quantifient le potentiel supplémentaire de la production agricole en zone C seule à 2,25 milliards de dollars américains par an», selon ce document élaboré par les services du premier ministre Salam Fayyad, qui a démissionné le 13 avril.

Dans un rapport publié lundi à l'occasion de l'anniversaire d'une déclaration de l'Union européenne (UE) le 14 mai 2012 qui critiquait «l'expansion des colonies, les déplacements forcés et les démolitions de propriétés palestiniennes», une coordination d'organisations humanitaires souligne qu'en 12 mois, «535 maisons et structures appartenant à des Palestiniens (464 en zone C et 71 à Jérusalem-Est, NDLR) ont été détruites, privant ainsi de foyer ou déplaçant 784 personnes».

En outre, «30 structures financées par l'Europe ont été détruites par les autorités israéliennes», sans qu'aucune indemnisation n'ait été réclamée alors que l'UE s'était engagée à «fournir une aide financière pour le développement palestinien dans la zone C et protéger ces investissements pour une utilisation future», rappellent ces organisations, dont OXFAM, Action contre la Faim (ACF), Care et Médecins du Monde.

La direction palestinienne exige pour reprendre les négociations de paix, interrompues depuis presque trois ans, un gel total de la colonisation israélienne. M. Nétanyahou rejette cette revendication, disant vouloir des pourparlers sans «condition préalable».