Le secrétaire d'État américain John Kerry, arrivé jeudi pour sa quatrième visite en Israël et dans les Territoires palestiniens, tentait de déjouer le scepticisme ambiant en s'efforçant de relancer des négociations de paix gelées depuis près de trois ans.

«Je connais suffisamment cette région pour savoir qu'il y a du scepticisme et dans certains cas du cynisme (...) Il y a eu des années d'amertume et de déception», a reconnu M. Kerry au début de ses entretiens avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à Jérusalem.

«Mais nous espérons qu'en étant méthodiques, prudents, patients, précis et tenaces, nous pourrons avancer», a-t-il ajouté.

«Nous voulons avant tout que les pourparlers de paix reprennent avec les Palestiniens», a répondu M. Netanyahu. «C'est quelque chose que nous voulons, quelque chose que vous voulez et que, je l'espère, les Palestiniens veulent», a-t-il lancé à l'intention du président palestinien Mahmoud Abbas, qui a reçu le chef de la diplomatie américaine dans l'après-midi à Ramallah, en Cisjordanie.

Le général américain John Allen, ancien chef de la coalition internationale en Afghanistan est «ici sur le terrain pour travailler avec ses homologues sur les questions de sécurité», a-t-il indiqué.

Il s'agit de l'unique mesure concrète sortie à ce jour des discussions conduites depuis deux mois par le secrétaire d'État, qui peut revendiquer par ailleurs la réactivation, avec l'appui du Qatar, d'une initiative de paix arabe de 2002, et une entente avec les responsables israéliens et palestiniens pour «promouvoir le développement économique en Cisjordanie».

M. Kerry a ensuite rencontré la ministre israélienne de la Justice, chargée des négociations avec les Palestiniens, Tzipi Livni. «Il faut créer les conditions d'une relance des négociations. Nous espérons que les Palestiniens prendront toutes les mesures en ce sens», a affirmé après cet entretien Mme Livni, citée dans un communiqué de ses services, appelant à «éviter les échanges d'accusations et à entrer dans la salle de négociations, le plus tôt possible».

Résultats de Kerry attendus d'ici le 7 juin

À Ramallah, MM. Abbas et Kerry ont «eu une rencontre longue, approfondie et positive, au cours de laquelle ils ont discuté des préparatifs du plan de Kerry pour la paix dans la région, auquel nous souhaitons tout le succès possible, et nous y travaillons», a déclaré à l'AFP le négociateur palestinien Saëb Erakat.

«Ce plan est toujours encore au stade de la préparation et de la communication à toutes les parties concernées, palestinienne, israélienne, arabes, européennes, russe et internationales», a précisé M. Erakat.

Auparavant, un membre du Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Tayssir Khaled, avait indiqué ne pas s'attendre à la moindre «percée» durant cette visite.

«Il est clair que le gouvernement Netanyahu n'est pas sur le point de changer de politique», a-t-il affirmé. «Mais le problème, c'est que les Américains n'aient pas pris une position claire sur la colonisation. Ils n'ont pas exigé d'Israël qu'il y mette fin», a-t-il déploré.

M. Kerry «a fourni un compte rendu détaillé des idées pour renforcer l'économie palestinienne sur lesquelles le Quartette (pour le Proche-Orient) travaille avec des membres du secteur privé», a indiqué un responsable du département d'Etat sous couvert de l'anonymat.

Joignant le geste à la parole, il a ensuite marché dans les rues de Ramallah, sous le regard attentif de son escorte, s'arrêtant pour déguster un chawarma (sandwich à la viande) puis des pâtisseries et un café.

Le gouvernement israélien veut autoriser a posteriori quatre colonies sauvages de Cisjordanie qu'il s'était engagé à démanteler, mais M. Netanyahu a récemment suspendu les appels d'offres pour la construction de logements dans les colonies de Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupé et annexé. Un commentateur de la radio publique israélienne a attribué cette décision à la volonté des «dirigeants israéliens de ne pas être accusés par Washington d'un éventuel échec des navettes du secrétaire d'État».

De son côté, la la direction palestinienne a suspendu toute démarche pour adhérer à des organisations internationales, y compris les instances judiciaires susceptibles de poursuivre Israël, comme l'accession de la Palestine au statut d'État observateur à l'ONU le 29 novembre lui en donne désormais le droit, le temps pour M. Kerry de parvenir à des résultats, M. Abbas ayant consenti à patienter jusqu'au 7 juin.

Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, qui a rencontré M. Netanyahu, a soutenu les efforts de l'administration américaine et «appelé toutes les parties à faire avancer le processus de paix et à montrer l'autorité courageuse et décisive qui en permettra le succès».

Pour compliquer la tâche de M. Kerry, «il y a des divergences idéologiques au sein du gouvernement», a déclaré Mme Livni à la radio, en allusion au lobby des colons, représenté dans la coalition au pouvoir par le parti religieux nationaliste Foyer juif, ainsi que par une importante fraction du Likoud, le grand parti de la droite nationaliste dirigé par M. Netanyahu. En outre, le ministre des Finances Yaïr Lapid, grand vainqueur des élections de janvier à la tête d'un parti centriste, a exclu le gel de la colonisation réclamé par les Palestiniens pour reprendre les négociations et toute concession sur Jérusalem-Est.