Un rapport israélien contestant un reportage de France 2 sur la mort d'un enfant palestinien, il y a près de 13 ans, conforte les partisans de la thèse innocentant l'armée israélienne, sans toutefois faire bouger les lignes de la polémique.

Publié dimanche, ce premier rapport officiel israélien exonérant l'armée du décès le 30 septembre 2000 de Mohammad al-Doura, 12 ans, sur laquelle il jette même le doute, coïncide avec une décision que doit prononcer mercredi la cour d'appel de Paris dans un procès pour diffamation opposant le correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin, auteur du reportage, à Philippe Karsenty, directeur d'un site d'analyse des médias, qui l'a accusé de trucage.

Les images poignantes de l'agonie de Mohammad al-Doura, protégé par son père, sous les tirs croisés de l'armée israélienne et de combattants palestiniens au début de la deuxième Intifada (2000-2005) à un carrefour près de Gaza, avaient fait le tour du monde et constituent un épisode marquant de la guerre médiatique entre les deux camps.

«Il n'y a rien ici de nouveau pour quiconque a déjà examiné cette affaire par le passé», reconnaît un éditorialiste du quotidien Maariv (droite), convaincu par les arguments de Philippe Karsenty et de ses zélateurs, dont il salue la «ténacité». «La principale bataille s'est déroulée non pas en Israël mais en France».

«Le mensonge a déjà gagné», déplore-t-il néanmoins, concédant qu'«aucun rapport, et certainement pas un rapport commandité par le gouvernement israélien, ne va réparer les dégâts. «La vérité est apparue, mais 13 ans trop tard».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a lui-même salué le rapport, justifiant sa décision de le commanditer en septembre, soit 12 ans après les faits, au motif que «la version répandue par le reportage a servi d'inspiration et de justification au terrorisme, à l'antisémitisme et à la délégitimation d'Israël».

Mais plusieurs commentateurs jugent cette publication inutile, voire nuisible à Israël.

Un député du parti Kadima (centre-droit), Israël Hasson, a fustigé «une absurdité totalement non professionnelle et à côté de la plaque», dans une déclaration à la radio publique.

«Comment déterminer la cause de la mort d'une personne, si l'on n'a pas le corps, pour l'examiner et voir par quoi il a été touché?», s'est interrogé cet ex-chef adjoint du service de sécurité intérieure.

«Remettre le dentifrice dans le tube»

Le père de l'enfant, Jamal al-Doura a réaffirmé lundi à l'AFP à Gaza être «prêt à une commission d'enquête internationale comprenant des Arabes pour ouvrir la tombe et analyser le cadavre et les balles qui ont traversé le corps de Mohammad».

«Les accusations et affirmations centrales du reportage de France 2 sont infondées dans le matériau que la chaîne de télévision avait en sa possession», assure le rapport israélien, considérant comme «extrêmement douteux que les balles puissent avoir été tirées depuis la position israélienne comme l'implique le reportage».

Le correspondant diplomatique du quotidien Haaretz (gauche) moque pour sa part «l'un des documents les moins pertinents écrits par le gouvernement israélien ces dernières années», estimant que «s'imaginer qu'un tel rapport parvienne à changer la version mondialement acceptée, au bout de 13 ans, revient à essayer de remettre le dentifrice dans le tube».

«Le rapport donne l'impression d'avoir été écrit pour être utilisé en Israël. Les preuves et les arguments présentés peuvent convaincre ceux qui sont déjà convaincus, mais pas davantage», remarque-t-il, y discernant «une vengeance de l'État d'Israël contre un seul journaliste de France 2, Charles Enderlin».

L'ONG de droite Shurat Hadin («Centre de droit israélien»), qui représente légalement des victimes d'attentats, a d'ailleurs réclamé des «poursuites pénales» contre M. Enderlin et la fermeture du bureau de France 2.

«Les dégâts causés par ce rapport pourraient être plus grands que son utilité douteuse», prévient Haaretz, «si la presse internationale reprend le rapport, cela pourrait rouvrir le débat sur les enfants palestiniens touchés pendant les opérations de l'armée israélienne».

Selon l'ONG Defence for Children International, qui indique recenser les enfants palestiniens tués en raison de la présence de militaires ou de colons israéliens depuis le début de la deuxième Intifada, 728 ont péri ainsi entre 2000 et 2005.