Les Américains veulent garder neuf bases militaires en Afghanistan après 2014 et certains pays de l'OTAN envisagent aussi de maintenir des soldats dans le pays, a annoncé jeudi le président afghan Hamid Karzaï en se disant favorable à la demande américaine.

Le maintien de bases et soldats étrangers en Afghanistan est dénoncé par la rébellion des talibans, qui a jusqu'ici toujours indiqué que leur retrait total était l'une des conditions sine qua non de toute négociation de paix.

Les Américains «veulent neuf bases à travers l'Afghanistan» et «nous allons leur donner», car «cela est dans l'intérêt» du pays, a déclaré M. Karzaï lors d'un discours à l'Université de Kaboul retransmis en direct à la télévision.

Ces bases se trouvent aux quatre coins du pays : à Kaboul, Bagram (près de Kaboul), Mazar-i-Sharif (nord), Jalalabad (est), Gardez (sud-est), Kandahar (sud), Helmand (sud), Shindand (ouest) et Hérat (ouest), a-t-il détaillé.

M. Karzaï a indiqué que des «négociations très sérieuses et délicates» étaient en cours avec les Américains à ce sujet. «L'Afghanistan a ses propres demandes et intérêts», a-t-il dit sans préciser ces demandes ni évoquer l'épineuse question d'une éventuelle immunité pour les soldats américains après 2014.

L'OTAN a fixé à la fin 2014 la fin du retrait de sa force internationale d'Afghanistan (ISAF), forte de quelque 100 000 soldats.

Washington, qui en fournit les deux tiers, a depuis fait part de son intention de garder des soldats américains sur le sol afghan après cette date, à condition toutefois que Kaboul accepte de leur accorder l'immunité juridique.

M. Karzaï a par ailleurs assuré que, outre les États-Unis, d'autres pays de l'OTAN envisageaient de maintenir une présence militaire au-delà de 2014.

«L'OTAN avait l'habitude de dire qu'elle allait partir, mais maintenant ils viennent les uns après les autres nous dire "non nous n'allons pas partir, nous allons restés"», a-t-il affirmé sans citer de pays ni expliquer quelle serait leur mission. Plusieurs pays de l'OTAN contribuent actuellement à la formation des forces afghanes.

Chaque pays concerné devra conclure, selon le président afghan, un «accord bilatéral» avec Kaboul sur les modalités de sa présence au-delà de 2014.

L'ISAF combat depuis plus de dix ans au côté des forces afghanes la tenace insurrection menée par les talibans, qui ont gagné du terrain ces dernières années, au point de pousser les Occidentaux à envisager des discussions de paix.

2014 est aussi l'année où l'Afghanistan doit voter pour désigner un successeur à M. Karzaï, qui ne peut en principe se présenter pour un autre mandat.

«La seule chose nouvelle dans cette annonce est le nombre de bases que veulent les Américains. Karzaï essaie de voir la réaction du public afghan, du Pakistan, de l'Iran et des autres pays voisins», a estimé le directeur d'un centre de recherche de l'Université de Kaboul, Waheed Wafa.

M. Karzaï a enfin abordé dans son discours les relations avec le Pakistan, qui se sont de nouveau tendues ces derniers jours à la suite d'un différend frontalier marqué par des échanges de tirs entre forces afghanes et pakistanaises. Un policier afghan a été tué la semaine dernière lors de ces affrontements qui ont suscité de nombreuses manifestations anti-pakistanaises à travers l'Afghanistan.

«L'Afghanistan n'acceptera jamais la ligne Durand», a réitéré M. Karzaï à propos de cette ligne établie en 1893 par un officier britannique pour séparer l'Afghanistan de ce qui était alors l'empire des Indes britanniques. Islamabad considère de son côté ce dossier «clos».

«Nous apprécions le peuple pakistanais, mais son gouvernement et les forces armées doivent agir différemment», a dit M. Karzaï en assurant que Kaboul était prêt à faire le «premier pas» pour améliorer les relations bilatérales.

Le Pakistan, l'un des rares États à avoir reconnu le régime des talibans afghans (1996-2001), est considéré comme un interlocuteur essentiel dans la recherche d'une solution au conflit afghan. De nombreux talibans ont trouvé refuge dans les zones tribales pakistanaises frontalières de l'Afghanistan.