Le premier ministre irakien Nouri al-Maliki a lié samedi les violences confessionnelles qui ensanglantent le pays depuis cinq jours au conflit en Syrie voisine, alors que le déploiement de forces kurdes près d'une région disputée a accru les tensions.

De plus, la puissante milice des Sahwa, fidèle au gouvernement Maliki, a menacé de faire la guerre aux rebelles comme aux pires années du conflit ayant suivi l'invasion américaine de l'Irak en 2003, faisant craindre une escalade incontrôlée des violences.

Les troubles ont été déclenchés mardi par un assaut de policiers, près de Houweijah (nord), contre un camp de manifestants sunnites hostiles à M. Maliki, un chiite, qui a provoqué des heurts sanglants. En riposte, des attaques ont été lancées contre l'armée et les violences ont fait en cinq jours 215 morts et plus de 300 blessés, selon des responsables.

Les heurts entre les différentes confessions ont repris car ils ont «commencé ailleurs dans la région», a dit M. Maliki, en allusion à la guerre en Syrie qui oppose des rebelles, en majorité sunnites, au régime de Bachar al-Assad, membre de la minorité alaouite (issue du chiisme).

Qualifiant le confessionnalisme de «mal» qui «n'a pas besoin d'autorisation pour passer d'un pays à un autre», il a estimé que son retour en Irak n'était «pas une coïncidence».

Depuis décembre 2012, des milliers d'Irakiens manifestent dans les régions à majorité sunnite pour réclamer le départ de M. Maliki, accusé de marginaliser leur communauté. Ce dernier est aussi accusé par des membres de sa coalition gouvernementale et ses détracteurs d'accaparer le pouvoir.

Les dernières violences sont les plus meurtrières depuis le début du mouvement de contestation contre le premier ministre, au pouvoir depuis 2006, et rappellent le conflit confessionnel de 2006-2007 en Irak, mais dans une moindre intensité.

Accentuant les tensions, les autorités de la région autonome du Kurdistan (nord) ont déployé une force de sécurité près de Kirkouk afin de faire face selon elles à d'éventuelles attaques contre cette ville multiethnique riche en pétrole et revendiquée par les Kurdes et le pouvoir central à Bagdad.

L'armée a dénoncé ce déploiement, un général le qualifiant de «développement dangereux» et accusant les Kurdes de chercher à «atteindre les puits de pétrole».

Et au même moment, le chef de la puissante milice Sahwa, rémunérée par l'État pour lutter contre Al-Qaïda, a menacé de reprendre ses violentes opérations qui lui avaient permis d'écraser le réseau extrémiste, notamment dans la province d'Al-Anbar (ouest), en 2006.

Si les meurtriers de cinq soldats à Al-Anbar ne sont pas livrés, «Sahwa fera ce qu'elle a fait en 2006», a menacé Wissam al-Hardane, en fixant un délai de «24 heures aux activistes pour les remettre. «Si cela n'est pas fait, nous ne resterons pas les bras croisés».

Le meurtre s'est produit près d'un sit-in à Ramadi (chef-lieu d'Al-Anbar) de manifestants sunnites appuyés par des hommes armés. Des soldats circulant tout près ont été arrêtés par des hommes armés et des heurts s'en sont suivis dans lesquels quatre soldats ont été tués, selon la police.

Une autre attaque dans le même secteur a tué un soldat, et dans le centre du pays, cinq membres des Sahwa ont été tués. À Fallouja (ouest), deux footballeurs ont été tués, selon des sources policières.

La milice des Sahwa, formée en 2006 sous la houlette de chefs tribaux sunnites, continue à lutter contre Al-Qaïda qui parvient à commettre des attentats particulièrement sanglants en Irak en visant les forces de sécurité et la communauté chiite.

La veille, l'émissaire de l'ONU Martin Kobler a averti que l'Irak était à un «tournant» et appelé à la retenue.