Vingt-cinq manifestants sunnites ont été tués lors d'un assaut de l'armée, provoquant la démission de deux ministres et une série d'attaques sanglantes en représailles.

Les violences ont fait mardi au moins 49 morts à travers le pays.

Ces violences sont les plus graves liées aux manifestations secouant les régions sunnites depuis décembre.

Les manifestants réclament la démission du Premier ministre chiite Nouri al-Maliki, accusé d'accaparer le pouvoir, et la fin de la «marginalisation» dont la communauté sunnite s'estime victime.

Les forces anti-émeutes ont pris d'assaut avant l'aube une place de la localité de Houweijah, dans la province de Kirkouk (nord), après l'expiration d'un ultimatum adressé aux manifestants pour qu'ils livrent les assassins d'un soldat tué la semaine dernière, selon le ministère de l'Intérieur.

Vingt-cinq manifestants et deux militaires ont été tués dans cet assaut et 70 personnes blessées, selon l'armée.

«Nos forces n'ont pas ouvert le feu en premier. Elles ne l'ont fait que lorsque les manifestants ont tiré et nous avons riposté pour nous défendre», a affirmé à l'AFP un officier ayant requis l'anonymat.

D'après lui, l'opération visait «l'armée des Naqchbandis», un groupe rebelle islamiste qui compte dans ses rangs d'anciens officiers de l'armée de Saddam Hussein et serait lié au numéro deux du régime en fuite, Izzat al-Douri.

Un deuxième officier a indiqué que 34 Kalachnikov et quatre mitrailleuses avaient été retrouvés sur place.

Un porte-parole des manifestants, Abdel Malek Al-Joubouri, a cependant affirmé à l'AFP que les forces anti-émeutes avaient «ouvert le feu sans discernement» sur les manifestants.

Selon lui, elles ont en outre «mis le feu aux tentes» dans lesquelles des centaines de manifestants campaient depuis plusieurs semaines pour réclamer la démission de M. Maliki, à l'instar des sit-in organisés dans d'autres villes sunnites.

«Nous n'avons que quatre fusils pour protéger le sit-in et il n'y a aucune personne recherchée parmi nous».

Selon un communiqué du ministère de l'Intérieur, les autorités avaient «demandé aux manifestants pacifiques non armés d'évacuer la place» avant l'assaut.

Cette opération a déclenché des attaques de représailles meurtrières.

«Lorsqu'ils ont appris qu'il y a eu des morts et des blessés sur la place du sit-in, les membres des tribus des villages de la région ont attaqué les postes de contrôle de l'armée», a affirmé le porte-parole des manifestants.

Treize hommes qui tentaient d'attaquer des positions de l'armée dans la province de Kirkouk ont ainsi été tués, selon des officiers.

Plus tard, des manifestants armés ont tué six soldats et en ont enlevé un septième près de Ramadi, chef-lieu de la province sunnite d'Al-Anbar (ouest), a-t-on appris de source policière.

Les manifestants ont incendié deux véhicules blindés et détenaient le soldat enlevé sur le lieu de leur sit-in sur l'autoroute de Ramadi, a indiqué le lieutenant Ibrahim Faraj.

Trois soldats kurdes irakiens ont par ailleurs été tués et 20 personnes blessées lorsque des membres de tribus sunnites ont attaqué une patrouille de l'armée près de Souleimane Bek dans la province de Salaheddine, a déclaré Moulla Karim Shoukr, un haut responsable d'un parti kurde.

Dénonçant l'assaut contre les manifestants sunnites, deux ministres sunnites ont démissionné, portant à quatre le nombre de ministres sunnites ayant quitté leur poste depuis mars.

«Le ministre de l'Éducation, Mohammed Ali Tamim, a démissionné de son poste après que l'armée irakienne a fait irruption dans un sit-in dans (la province de) Kirkouk», a affirmé un responsable au sein du cabinet du vice-premier ministre Saleh al-Moutlak.

Le président du Parlement Osama al-Nujaifi a indiqué plus tard que le ministre des Sciences et des Technologies Abdel Karim al-Samarraï lui avait indiqué par téléphone qu'il avait également décidé de démissionner.

Le chef du conseil de la province de Kirkouk, Hassan Trouhan, a condamné l'assaut et appelé «l'ONU à intervenir, car la situation est extrêmement grave et Kirkouk ne peut pas supporter de nouvelles crises». Située à 240 km au nord de Bagdad, la province de Kirkouk est une mosaïque ethnique et confessionnelle où cohabitent Kurdes, Arabes et Turkmènes, sunnites et chiites.

Dans ce contexte tendu, quatre fidèles ont été tués mardi et 14 blessés dans l'explosion de deux bombent visant une mosquée sunnite à Bagdad, selon des sources des services de sécurité.

La minorité sunnite représente environ 24% de la population irakienne.