La Turquie et Israël ont engagé lundi leurs difficiles discussions sur l'indemnisation des victimes turques d'un raid israélien meurtrier en mai 2010 au large de Gaza, première étape d'un rapprochement des deux pays que les États-Unis espèrent bénéfique pour l'avenir du processus de paix au Proche-Orient.

Au terme d'une première réunion à huis-clos de plusieurs heures à Ankara, les deux délégations, dirigées par le sous-secrétaire d'État turc aux Affaires étrangères, Feridun Sinirlioglu, et le chef du Conseil national de sécurité israélien, Yaakov Amidror, ont suspendu leurs travaux, qu'elles devraient reprendre rapidement pour aboutir à un accord.

«Ce problème sera réglé lors d'une deuxième réunion, et si ce n'est pas suffisant lors d'une troisième», a déclaré à la presse le vice-premier ministre et porte-parole du gouvernement turc Bülent Arinç, sans préciser la date de ce ou de ces prochains rendez-vous.

«Les deux parties considèrent que ce problème doit être réglé rapidement, dès lors qu'il sera pris en compte de façon significative (par Israël) la nécessité de lever l'embargo et le blocus imposés à Gaza», a ajouté M. Arinç.

La Turquie et Israël doivent mettre en place un mécanisme qui permettra de verser des dommages et intérêts aux familles des neuf Turcs tués lors de l'assaut de l'armée israélienne contre le navire amiral turc (Mavi Marmara) d'une flottille humanitaire à destination de Gaza.

Ces discussions ont débuté un mois précisément après les excuses présentées par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou à Ankara, qui les réclamait avec insistance depuis l'incident.

Ce geste de l'État hébreu, accompli à la demande pressante du président américain Barack Obama, a mis un terme à la brouille entre les deux pays, autrefois alliés dans la région.

Si le principe d'une indemnisation est acquis, les négociations s'annoncent toutefois difficiles, car les familles des victimes, proches des milieux islamistes, ont fait monter les enchères sur le montant des dommages et intérêts et leur ont donné un tour politique en exigeant la levée du blocus israélien sur Gaza.

«Ces familles font de la levée de l'embargo et du blocus qui pèsent sur Gaza leur priorité», a résumé à l'AFP l'un de leurs avocats, Ramazan Ariturk.

Visite à Gaza

Elles ont même catégoriquement exclu de retirer les plaintes qui ont permis à un tribunal d'Istanbul d'ouvrir l'an dernier un procès contre quatre anciens responsables israéliens, jugés en leur absence, considérés comme les responsables du raid meurtrier de 2010.

Au soir de la première journée de négociations, M. Arinç a une nouvelle fois laissé entendre que son pays pourrait refuser de parapher un accord avec l'État hébreu s'il n'obtenait pas l'accord des plaignants.

«Les familles de victimes ont parfaitement le droit d'exiger une indemnisation», a souligné le vice-premier ministre turc. «Nous, au gouvernement, ne prendrons aucune décision contraire à leurs intérêts», a ajouté M. Arinç. Mais il leur a toutefois demandé de «faire confiance au gouvernement» et d'éviter les déclarations publiques susceptibles de compliquer les discussions.

Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui n'a jamais caché ses sympathies pour le mouvement islamiste Hamas qui gère Gaza, a lui-même achevé de donner un tour très politique à ces discussions en annonçant son intention de se rendre dans l'enclave palestinienne dans la seconde moitié du mois de mai.

Ce projet a suscité l'hostilité du président palestinien Mahmoud Abbas, dont le mouvement du Fatah est le rival du Hamas, et l'embarras des États unis, qui ont fait de la réconciliation turco-israélienne une de leurs cartes pour tenter de relancer le processus de paix moribond au Proche-Orient.

En visite à Istanbul, le secrétaire d'État américain John Kerry a conseillé au chef du gouvernement islamo-conservateur de reporter son projet, en attendant des circonstances plus «favorables».

«Nous estimons, de façon constructive, que le moment (de cette visite) est critique pour le processus de paix que nous tentons de remettre sur les rails», a déclaré le chef de la diplomatie américaine devant la presse.

Les Turcs ont fait savoir lundi qu'ils avaient peu écouté le conseil de leur allié américain, qualifié de «diplomatiquement incorrect». «Le monde et M. Kerry doivent savoir que la Turquie est un pays qui peut faire ce qu'elle veut quand elle le veut», a dit M. Arinç.

S'il a confirmé la volonté de M. Erdogan d'effectuer une visite à Gaza, le porte-parole du gouvernement a toutefois précisé que sa date n'avait pas encore été fixée.