Les Palestiniens ont officiellement protesté vendredi contre la rencontre controversée d'un ministre canadien avec un membre du gouvernement israélien à Jérusalem-Est occupée depuis 1967.

Le ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, résolument pro-israélien, a dérogé à la politique de la plupart de ses homologues en rencontrant cette semaine la ministre de la Justice Tzipi Livni dans son bureau de Jérusalem-Est.

M. Baird a ainsi établi un «précédent», selon la presse israélienne, alors que ses collègues refusent généralement de rencontrer des dirigeants israéliens dans le secteur arabe de la ville annexée par Israël.

La communauté internationale ne reconnaît pas l'annexion de Jérusalem-Est, qu'elle considère comme un territoire occupé et où les Palestiniens veulent établir la capitale de l'État auquel ils aspirent.

«C'est avec une grande inquiétude que je dois soulever la question de votre rencontre avec des responsables israéliens dans Jérusalem-Est occupée», écrit le négociateur palestinien Saëb Erakat, dans une lettre adressée au chef de la diplomatie canadienne et obtenue par l'AFP.

«Il faut noter qu'une telle reconnaissance diplomatique de la situation créée par la tentative d'annexion de notre capitale est une violation flagrante du droit international», regrette M. Erakat, membre de la direction de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).

«Elle sape aussi considérablement les efforts américains actuels» en vue d'une reprise des négociations de paix israélo-palestiniennes, estime M. Erakat.

Le secrétaire d'État américain John Kerry, en visite en Israël et dans les Territoires en même temps que son homologue canadien, s'efforce de relancer le processus de paix dans l'impasse depuis septembre 2010.

«Votre récente rencontre avec des responsables israéliens à Jérusalem-Est a pour conséquence de tenter de légitimer la situation illégale sur le terrain et pourrait revenir à aider et encourager une politique israélienne illicite», estime M. Erakat, en accusant le Canada de «complicité avec les violations israéliennes des lois internationales de la guerre».

Lors d'une visite de près d'une semaine, au cours de laquelle il a rencontré les dirigeants israéliens et des représentants des milieux d'affaires, M. Baird a réaffirmé mardi l'alliance «étroite et spéciale» de son pays avec Israël.

Le Canada est l'un des soutiens les plus solides d'Israël, en particulier face au programme nucléaire iranien, et a été l'un des très rares pays à s'opposer à l'accession de la Palestine au statut d'État observateur à l'ONU, votée par 138 voix pour, 9 contre et 41 abstentions.

Dans une tribune publiée par The Globe and Mail, quotidien anglophone canadien basé à Toronto, le dirigeant palestinien Nabil Chaath a qualifié la visite de John Baird à Jérusalem-Est de «gifle à la face du peuple palestinien», selon lui une «offense sans précédent» qui «écorne sérieusement la position du Canada vis-à-vis de la Palestine et du monde arabe».

«Malheureusement, ce n'est que la dernière d'une série de provocations (de M. Baird)», déplore Nabil Chaath, membre de la direction du Fatah (nationaliste), en exhortant le Canada --devenu «un obstacle, plutôt qu'un partenaire, pour la paix»-- à reprendre «son rôle historique en faveur du respect du droit international et des droits de l'Homme».

Dans un communiqué, le ministère canadien des Affaires étrangères a argué qu'«en tant qu'invités, nous nous sommes réjouis de rencontrer nos hôtes à l'endroit qui leur convenait le mieux», assurant que «cela ne change pas notre position de longue date que toutes les questions de statut final doivent être négociées entre les deux parties (israélienne et palestinienne)».

Le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Yigal Palmor, s'est félicité de la visite de M. Baird à Jérusalem-Est et du «parler-vrai» des Canadiens sur la scène internationale.