L'Arabie saoudite a donné dimanche trois mois aux travailleurs étrangers en situation irrégulière pour modifier leur statut, calmant du même coup une vague de panique suscitée par des expulsions massives.

L'ordre est venu du roi Abdallah, qui a demandé aux ministères du Travail et de l'Intérieur «d'accorder aux travailleurs contrevenants aux règles en vigueur un sursis de trois mois pour régulariser leur situation».

Une réglementation interdisant aux travailleurs étrangers de changer d'employeur, combinée à une campagne vigoureuse d'inspections et d'expulsions, a provoqué la panique dans les rangs de la main d'oeuvre expatriée.

La campagne s'est traduite par l'expulsion de 200 000 étrangers en trois mois, selon les autorités. Elle a suscité des critiques, certains s'indignant des méthodes musclées pour débusquer les travailleurs en situation irrégulière.

Mais le ministère du Travail s'est défendu de toute exaction pendant la campagne: «Nos inspecteurs relèvent dans les entreprises les cas de travailleurs contrevenants et les transmettent au ministère de l'Intérieur, qui se charge du reste», a expliqué à l'AFP le porte-parole du ministère, Hattab al-Anzi.

Malgré les objections, la campagne a été jugée nécessaire dans un pays qui cherche à favoriser l'emploi des Saoudiens. Selon le ministre du Travail Adel Fakih, deux millions d'entre eux sont au chômage, dont beaucoup de diplômés et de femmes.

«Ce traitement de choc était nécessaire devant l'inflation du nombre de visas de travail, même s'il va affecter les secteurs du commerce de détail et des services», estime l'économiste Ihsan Bouhalika.

Selon cet expert, 1,2 million de visas de travail ont été accordés pour des étrangers en 2011 et deux millions en 2012, alors que les statistiques officielles font état de huit millions de travailleurs étrangers en Arabie saoudite et que le nombre de clandestins est estimé à deux millions.

Écoles fermées faute d'institutrices

La campagne a eu des effets pervers car elle a poussé des milliers de travailleurs étrangers à se terrer chez eux, ralentissant voire paralysant l'activité dans plusieurs secteurs.

Une certaine psychose s'est ainsi répandue à Jeddah (ouest), après une rumeur selon laquelle les policiers déchiraient les permis de résidence des travailleurs contrevenant avant leur expulsion.

Les enseignantes, nombreuses parmi les épouses d'expatriés et qui ne sont pas autorisées à travailler, n'ont plus assuré les cours dans les écoles privées de la ville, qui accueillent au moins 40 000 élèves.

«Les cours ont été suspendus définitivement. Il n'y a plus d'institutrices et on a demandé aux élèves de rester à la maison. Prises de panique en raison des rumeurs sur des permis de résidence déchirés et des expulsions immédiates, les enseignantes se terrent chez elles», a expliqué le directeur d'une école privée de Jeddah sous couvert d'anonymat.

Les travailleurs les plus touchés sont des Asiatiques venus d'Inde, du Pakistan ou du Bengladesh, mais également des Yéménites.

L'expulsion de milliers de Yéménites a suscité les inquiétudes de responsables à Sanaa qui sont allés jusqu'à former une commission ministérielle chargée d'entreprendre des démarches auprès des autorités saoudiennes pour atténuer la campagne.

Les deux millions de Yéménites vivant en Arabie saoudite transfèrent 4 milliards de dollars par an dans leur pays, ce qui représente une véritable manne pour l'économie locale au bord de l'effondrement.