Leurs réussites sont tues et leurs échecs vilipendés : les services de renseignement afghans constituent pourtant une arme stratégique et efficace de lutte contre les insurgés talibans.    

Créé en 2002 après le renversement des talibans par la coalition occidentale, le directoire national de la sécurité (NDS), équivalent afghan du FBI américain ou de la DCRI française, n'a cessé de gagner en importance au rythme de l'évolution des insurgés, qui, après avoir subi de lourdes pertes lors de combats frontaux, ont opté pour la guérilla.

«Notre ennemi utilise une tactique d'insurrection ayant fait ses preuves : il se fond dans la société. L'armée et la police en uniforme parviennent difficilement à identifier ces hommes. C'est le travail des policiers en civil et des agents du renseignement», explique à l'AFP Amrullah Saleh, ancien chef du NDS.

Une telle tâche nécessite des effectifs importants dans un pays plus grand que la France, très largement rural et aux frontières poreuses. Le NDS emploie plus de 20 000 personnes, dont au moins 5000 à Kaboul, estime une source sécuritaire afghane. «La puissance du NDS, c'est qu'il est présent partout», confirme une source sécuritaire occidentale.

Dans un pays aussi pauvre et divisé que l'Afghanistan, plus les effectifs sont importants, plus les risques de défections, voire d'infiltrations par les talibans sont multipliés : «Dans l'histoire du renseignement, il y a eu des taupes au SAS, à la CIA, au KGB... Quelqu'un peut-il dire que nous sommes plus forts que les meilleurs services?», relativise M. Saleh. «Vu la fragilité du pays depuis 11 ans, le NDS s'est très bien débrouillé», juge-t-il.

Les attentats se sont pourtant multipliés ces derniers mois en Afghanistan. Trois d'entre eux avaient d'ailleurs pour cible directe le NDS.

Pour l'analyste Candace Rondeaux, qui a publié une tribune sur le sujet dans la revue Foreign Policy, ces attaques démontrent que le NDS «n'a jamais été plus vulnérable».

«Nous avons pu transférer sous leur nez de grandes quantités d'armes et de munitions depuis Kandahar (sud) ou Paktia (est), c'est dire leur niveau de vigilance et d'efficacité», ironise Zabiullah Mudjahid, porte-parole des talibans.

«Faux» répond le porte-parole de l'agence, Shafiqullah Taheri, pour qui les insurgés ont été incapables d'infliger de lourdes pertes aux services secrets malgré l'importance des moyens déployés.

«Le NDS doit avoir un taux de réussite de 100 % pour éviter toutes les attaques. Les terroristes, eux, n'ont besoin de le déjouer qu'une seule fois» pour causer des dommages, résume la source sécuritaire occidentale.

«Beaucoup de groupes sont neutralisés, mais il y en a forcément un qui passe. Et si un groupe passe, il a gagné. On ne parle jamais des opérations que le NDS déjoue, et il en déjoue beaucoup», poursuit-elle.

Autre grief à l'encontre du NDS, son recours à la torture. Plus de la moitié des prisonniers interrogés par les forces de sécurité afghanes ont subi des mauvais traitements, notamment par le NDS, selon un rapport de l'ONU publié en janvier.

«L'administration Obama devrait considérer l'impact général de son soutien continu et sans critique pour des régimes qui recourent à la torture afin d'assurer leur sécurité nationale», suggère Candace Rondeaux.

Le soutien étranger aux forces de sécurité afghanes est appelé à diminuer après la mission de combat de l'OTAN fin 2014. Mais les Occidentaux feraient fausse route en diminuant leur coopération avec le NDS, qui bénéficie d'ailleurs d'une aide technologique américaine, estiment des analystes.

«Les pays de la coalition ont besoin d'un partenaire stratégique en Afghanistan qui puisse les aider à identifier les complots terroristes», affirme Amrullah Saleh, qui se dit préoccupé par la «légitimité du processus politique» en Afghanistan.

Les hommes politiques locaux placent de plus en plus leurs hommes au sein des services secrets, compromettant l'intégrité de l'agence, dans un pays connu pour sa corruption, observe une source sécuritaire afghane.

La légitimité du gouvernement est aussi capitale pour assurer la crédibilité du NDS. Car si des allégations de fraudes venaient entacher l'élection présidentielle prévue l'an prochain, le renseignement sera alors contraint de «protéger un gouvernement moins légitime», souligne M. Saleh. «La situation deviendrait problématique» pour le NDS et l'Afghanistan, prévient-il.