Un attentat suicide au camion piégé a fait onze morts lundi au nord de Bagdad, un nouvel acte de violence qui vient illustrer l'instabilité dont souffre l'Irak, à moins de trois semaines d'élections provinciales.                

L'attentat s'est produit à Tikrit, une ville située à environ 160 km au nord de Bagdad. À l'heure où les habitants se rendaient au travail, un kamikaze au volant d'un camion-citerne bourré d'explosifs a déclenché sa charge juste devant le quartier général de la police municipale.

La déflagration a tué 11 personnes, dont dix policiers, et en a blessé 59 autres, dont 56 policiers, selon des sources médicales et de sécurité dans la province de Salaheddine.

Tikrit, fief du président déchu Saddam Hussein, est le chef-lieu de Salaheddine, une des provinces les plus violentes d'Irak, où les insurgés sunnites, dont Al-Qaïda, s'en prennent au quotidien aux forces de sécurité, aux chiites mais aussi aux Sahwa (Le réveil, en arabe), une milice sunnite créée en 2006 précisément pour s'attaquer au réseau extrémiste.

Plus au nord, le maire par intérim de Touz Khourmatou a été blessé par balle. Taleb Mohammed al-Bayati, en outre maire de Souleiman Pak, avait pris en charge Touz Khourmatou après que son maire eut été lui aussi blessé dans un attentat mardi dernier.

La ville a ceci de particulier qu'elle se situe dans une bande de territoire que se disputent la région autonome du Kurdistan et le gouvernement de Bagdad.

Lors d'incidents à Mossoul (nord) et dans une localité proche de Tikrit, un policier a été tué et un chef de tribu a été enlevé, tandis que son garde du corps a été blessé.

Loin de se tasser, les violences ont au contraire augmenté ces dernières semaines. En mars, 271 personnes sont mortes et 906 autres ont été blessées dans des attentats et des assassinats ciblés à travers le pays, selon des données fournies à l'AFP par des sources médicales et des forces de sécurité.

Mois de mars très meurtrier

Il s'agit du mois le plus meurtrier depuis août 2012 quand 278 personnes avaient péri dans des violences.

Avec 56 morts, le 19 mars, veille du dixième anniversaire de l'invasion dirigée par les États-Unis, a été la journée la plus meurtrière le mois dernier.

Cette flambée de violences survient à l'approche des élections provinciales du 20 avril. Les insurgés ont d'ailleurs fait irruption dans la campagne. Onze candidats, tous sunnites, ont péri dans des attentats depuis le début de la campagne.

Les régions de l'ouest et du nord, où les sunnites sont majoritaires, sont secouées depuis trois mois par de gigantesques manifestations.

S'y côtoient les mots d'ordre appelant au départ du premier ministre chiite Nouri al-Maliki et ceux réclamant la fin de la «marginalisation» dont les sunnites s'estiment victimes. Préoccupé par l'insécurité qui y règne, le gouvernement a reporté le scrutin sine die à Al Anbar et Ninive, deux provinces à majorité sunnite.

Un haut responsable de l'antiterrorisme irakien joint par l'AFP a mis en avant la proximité du scrutin pour expliquer ce regain de violences.

«Les forces terroristes qui rejettent le processus politique ont augmenté leurs activités pour causer un maximum de dégâts à l'appareil sécuritaire. Elles veulent entraver la bonne marche des élections», a-t-il dit sous couvert d'anonymat.

Les insurgés «tentent de pousser les électeurs à voter en fonction de leur appartenance religieuse. Cela divise encore un peu plus la société et sape les efforts du gouvernement pour s'allier l'électorat», a renchéri John Drake, spécialiste de l'Irak au sein de la firme de consultants en risques AKE Group. «Plus la société est divisée, plus la marge de manoeuvre des terroristes est grande», a-t-il estimé lors d'une interview accordée à l'AFP.