Grande surprise des élections israéliennes de mardi, le parti du centre Yesh Atid (Il y a un avenir), fondé il y a à peine un an, est arrivé deuxième au scrutin. Son chef, l'ex-journaliste Yaïr Lapid, a refusé hier de se joindre à une coalition de centre gauche anti-Nétanyahou. Portrait du nouveau prince de la Knesset.

Il a un faux air de George Clooney et une belle puissance oratoire.

Ce charisme hors du commun n'est sans doute pas pour rien dans la percée-surprise de Yaïr Lapid. À 49 ans, celui qui a confessé le gratin de la politique et du spectacle dans ses émissions à succès est aujourd'hui passé de l'autre côté du miroir. Fondé il y a seulement un an, Yesh Atid (Il y a un avenir) s'impose comme la deuxième formation du pays, partenaire incontournable de la prochaine coalition gouvernementale.

Au terme d'une campagne menée davantage sur l'internet que sur les marchés, Yaïr Lapid a su séduire l'Israël urbain et laïque.

Cette subite irruption sur la scène politique israélienne, qu'aucun sondage n'avait prévue, rappelle immanquablement celle de son père, Tommy Lapid, il y a tout juste 10 ans. À la tête du parti Shinoui, il avait fait entrer 15 députés à la Knesset et avait obtenu le portefeuille de la Justice. Journaliste de télévision lui aussi, Tommy Lapid prônait la laïcisation de la société et l'abolition des privilèges accordés aux religieux orthodoxes.

Son fils perpétue fidèlement cet héritage politique. Yaïr Lapid a axé sa campagne sur le «partage du fardeau». Autrement dit, dans un pays où le service militaire dure trois ans pour les garçons et deux ans pour les filles, Lapid veut mettre fin à l'exemption quasi automatique dont jouissent les hommes en noir. «Tes enfants doivent faire l'armée, comme les miens! Et ils doivent travailler aussi!», a-t-il lancé à un député du parti orthodoxe Shas lors d'un débat télévisé.

Si ce discours a trouvé autant d'écho auprès des électeurs israéliens, c'est qu'il s'appuie sur une exaspération croissante des classes moyennes. Épargné pour l'instant par la crise mondiale, Israël affiche une croissance fulgurante et le nombre de millionnaires explose. Mais la plupart des Israéliens ne recueillent pas les fruits de cette prospérité et doivent subir des impôts toujours plus lourds ainsi qu'une flambée des prix de l'immobilier et des produits de base.

Manque d'expérience

Boxeur chevronné et auteur de polars, Yaïr Lapid a goûté avec un plaisir évident à la joute électorale. Mais ses opposants notent qu'il manque cruellement d'expérience et aura bien du mal à tenir certaines de ses promesses, comme celle de permettre à chacun d'acheter son logement. «Au cours de cette campagne, on m'a dit des centaines de fois: Quand tu seras au pouvoir, ne deviens pas comme les autres. Eh bien! , je serai un homme politique d'un nouveau genre», a assuré Yaïr Lapid le soir des résultats.

En attendant, il va devoir frayer avec un vieux routier - Benyamin Nétanyahou - pour négocier sa participation au gouvernement. Il exigera probablement un grand ministère comme celui des Finances ou de l'Éducation. Une belle revanche pour celui qui n'a pas le moindre diplôme et dont la blogosphère souligne les gaffes à répétition et les déclarations contradictoires. Mais pour une fois, il devra se garder de suivre l'exemple paternel. Aux élections suivantes, le parti de Tommy Lapid avait disparu de la scène politique. La flamboyante victoire n'avait été qu'un feu de paille.