Plus de la moitié des électeurs jordaniens ont voté mercredi pour les législatives, selon la Commission électorale, en dépit du boycott par les islamistes, principale force de l'opposition, qui ont dénoncé des fraudes et contesté le taux de participation.

Les bureaux ont fermé à 20 h (midi, heure de Montréal) après une prolongation du vote d'une heure, la Commission électorale indépendante annonçant un taux de participation estimé de 56,5 % des 2,3 millions d'électeurs inscrits.

Le chef de la commission, Abdel Ilah al-Khatib, a indiqué que le décompte des voix avait commencé, mais que les résultats définitifs ainsi que le taux de participation officiel seraient annoncés jeudi.

Dans un communiqué, les Frères musulmans ont contesté les chiffres officiels. «La participation est très faible. Les chiffres annoncés par le gouvernement ne sont pas exacts», affirme la confrérie islamiste qui fait état de «plusieurs violations, y compris l'achat de voix et de fausses cartes d'électeur».

Le Centre national jordanien pour les droits de l'homme a lui aussi fait état d'achats de voix à Amman et dans le gouvernorat de Balqaa, à l'ouest de la capitale.

«Nos chiffres sont exacts et réalistes», a répliqué M. Khatib à la télévision publique, soulignant que «le scrutin est supervisé par les Jordaniens eux-mêmes et des observateurs internationaux».

Des voitures recouvertes d'affiches électorales circulaient à travers la capitale, certaines proposant aux gens de les emmener voter. Dans les bureaux de vote, des militants politiques tentaient de convaincre les électeurs de voter pour leur favori.

Selon le chef de la police Hussein Majali, la police a tiré du gaz lacrymogène pour disperser un groupe «cherchant à influer sur le processus dans un bureau de vote d'une ville du Sud».

«Un Parlement sans poids politique»

Les Jordaniens devaient élire les 150 membres de la chambre basse du Parlement, pour un mandat de quatre ans, parmi 1425 candidats.

Mais les Frères musulmans et le Front de réforme national de l'ex-premier ministre Ahmad Obeidat ont appelé leurs partisans à boycotter le scrutin.

Les Frères musulmans réclament la révision du découpage des circonscriptions électorales qui avantage, selon eux, les régions rurales, plutôt proches du régime.

Tout comme M. Obeidat, ils dénoncent également le manque de réformes et exigent l'instauration d'un système parlementaire dans lequel le premier ministre serait issu de la majorité du Parlement, et non plus nommé par le roi.

Le premier ministre Abdallah Nsour a assuré que ces élections étaient «un pas vers les réformes et non pas la fin des réformes», après avoir voté dans sa ville natale de Salt, au nord-ouest d'Amman.

«Nous avons besoin d'un Parlement qui résolve nos problèmes, améliore nos vies et lutte contre la corruption», a déclaré à l'AFP Rima Hattar, une enseignante de 32 ans qui a voté à Fuheis, près d'Amman.

Mais selon Oraib al-Rintawi, directeur du Centre Al-Qods pour les études politiques, «ces élections vont aggraver les problèmes au lieu de les résoudre, surtout à cause du boycott. Nous allons voir l'émergence d'un Parlement sans aucun poids politique».

La Jordanie traverse une période économique difficile, avec un déficit budgétaire de 3,6 milliards d'euros (environ 4,8 milliards de dollars) en 2012 et un taux de chômage officiel de 14 %, mais qui atteindrait 30 % selon d'autres sources.

Le Printemps arabe s'est traduit dans le royaume par des manifestations en faveur de réformes et contre la corruption, qui se sont intensifiées, et radicalisées, en novembre après la décision du gouvernement d'augmenter les prix du gaz et de l'essence.

Alors que 47 000 policiers ont été déployés pour assurer la sécurité du scrutin, la police a fait état d'un bref échange de tirs entre partisans de deux candidats dans l'est d'Amman, qui n'a pas fait de victime, ainsi que de heurts limités à Karak (sud).