Les États-Unis, l'Union européenne et Amnistie internationale demandent à l'Iran la libération d'une prisonnière, Nasrin Sotoudeh. Avocate des manifestants du mouvement de protestation postélectorale de 2009, l'Iranienne de 49 ans est en prison depuis 2010. Portrait d'une assoiffée de la justice.

La seule évocation du mot «Evin» en Iran suffit à donner la chair de poule aux Iraniens. Cette immense prison a été le théâtre de centaines d'exécutions de prisonniers politiques et le lieu de la mort, en 2003, de la photographe montréalaise Zahra Kazemi. Mais la très mauvaise réputation de l'endroit ne semble pas impressionner Nasrin Sotoudeh.

Arrêtée le 4 septembre 2010 et d'abord condamnée à 11 ans de détention pour «propagande contre le régime», une peine qui a depuis été réduite à 6 ans, l'avocate iranienne a pris l'habitude de tenir tête à ses geôliers au cours des deux dernières années. L'an dernier, lorsqu'on a essayé de l'obliger à enfiler le tchador - immense pièce d'étoffe noire portée par-dessus le hijab -, elle a entamé une grève de la faim.

Les autorités lui ont alors enlevé le droit de voir sa famille. L'avocate a répliqué en envoyant une lettre à ses deux enfants dans laquelle elle a expliqué que, même en prison, il était nécessaire pour elle de faire reconnaître ses droits.

Le 17 octobre, quand les autorités iraniennes ont tenté de l'atteindre en s'en prenant de nouveau à sa famille - son mari et ses enfants sont interdits de voyage à l'extérieur de l'Iran -, Nasrin Sotoudeh a entamé une nouvelle grève de la faim qu'elle poursuit toujours. On sait peu de choses de son état de santé. Depuis le début de cet épisode de grève, elle est en isolement.

Ses proches, tout autant que les nombreuses voix qui demandent sa libération, s'inquiètent du sort de l'avocate qui, avant d'être en prison, s'est rendue célèbre en défendant plusieurs jeunes Iraniens qui ont participé aux manifestations qui ont suivi la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence du pays, en 2009.

Mme Sotoudeh a aussi défendu l'avocate Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix, qui vit aujourd'hui en exil. Elle a aussi fait des pieds et des mains pour convaincre, en vain, le gouvernement iranien de mettre un terme à l'exécution de contrevenants mineurs.

«Après les élections de 2009, elle a joué un rôle central pour exposer les exactions des services de renseignement. Elle a beaucoup parlé dans les médias. Le régime [islamiste] était furieux. Elle a notamment démontré qu'un jeune homme qui a été exécuté pour avoir participé aux manifestations avait été arrêté avant les élections», note Omid Mermarian, journaliste et militant des droits iraniens, qui a lui-même eu recours aux services de Mme Sotoudeh lorsqu'il a été emprisonné en Iran en 2004.

«C'est une avocate acharnée. Avant de l'arrêter, les autorités lui ont aussi dit d'arrêter de défendre Shirin Ebadi, mais elle a refusé», a dit à La Presse M. Memarian.

Le cas de Nasrin Sotoudeh illustre à lui seul la difficile situation dans laquelle se retrouvent les défenseurs des droits de la personne depuis les élections de 2009. Son propre avocat, Abdolfattah Soltani, a lui aussi été arrêté et condamné à 13 ans de prison. Presque tous leurs collègues du Centre des défenseurs des droits de la personne, fondé par Shirin Ebadi, sont soit détenus, soit en exil.

L'histoire de Mme Sotoudeh ne passe pas inaperçue. Des dizaines de manifestations en faveur de sa libération ont été organisées partout dans le monde. L'une d'entre elles devrait avoir lieu à midi aujourd'hui au square Philipps, au centre-ville de Montréal. La semaine dernière, l'Union européenne a décerné à l'avocate ainsi qu'au cinéaste Jafar Panahi, aussi détenu, le prix Sakharov pour la liberté de pensée.

Blogueur mort en prison

Amnistie internationale demande aux autorités iraniennes d'enquêter sur la mort en détention d'un blogueur de 35 ans, Sattar Beheshti. La dépouille de l'Iranien, arrêté le 30 octobre dans sa maison du sud de Téhéran, aurait été rendue à sa famille plus tôt cette semaine.

Les circonstances entourant sa mort restent nébuleuses, mais divers rapports suggèrent que le jeune homme s'était plaint des mauvais traitements subis aux mains de ses interrogateurs dans les jours qui ont précédé sa mort.