Près de 2,5 millions de musulmans de 189 nationalités se sont rassemblés jeudi sur le mont Arafat, temps fort du hajj, où les pèlerins des pays du Printemps arabe prient pour la liberté ou la stabilité.

« Oh Dieu me voilà, répondant à ton appel », répètent en choeur les pèlerins, en arrivant dans cette plaine aride située près de La Mecque, au deuxième jour du pèlerinage annuel, plus grand rassemblement humain au monde.

Un groupe de Syriens brandissait un énorme drapeau de la rébellion qui se poursuit depuis 19 mois contre le régime du président Bachar al-Assad, malgré les violences qui ont fait plus de 35 000 morts selon une ONG.

« Dieu, provoque la fin de Bachar », implore tout haut Ahmad Al-Mohammad, un pèlerin syrien de 30 ans parvenu à grand-peine au sommet du mont de la Miséricorde, une petite colline surplombant la plaine, ignorant les appels au silence de sa mère : « Les troupes du régime tueront toute notre famille là-bas ».

Le gouvernement syrien n'a pas envoyé de pèlerins cette année, mais les autorités saoudiennes ont délivré des visas aux Syriens réfugiés en Jordanie ou au Liban qui souhaitaient accomplir le pèlerinage.

Si les violences font rage en Syrie, les autres pays du Printemps arabe - Tunisie, Égypte, Libye ou Yémen - où des régimes autoritaires ont été renversés, connaissent encore des troubles.

Ruqaya al-Faitouri, une Libyenne de 58 ans, affirme prier pour « la sécurité et la stabilité en Libye et dans tous les autres pays arabes et musulmans ».

« La situation en Libye commence à revenir à la normale malgré quelques difficultés », affirme cette femme qui ne trouve pas les mots pour exprimer sa joie d'effectuer le pèlerinage.

Pour May, une Égyptienne de 34 ans vêtue d'une abaya beige, la liberté « est un sentiment nouveau ». « Je prie pour la paix en Égypte et dans tous les pays musulmans », explique-t-elle.

Sur les pas du prophète

Un grand nombre de pèlerins ont passé la nuit à Arafat, dans des dizaines de milliers de tentes blanches, alors que d'autres sont arrivés à l'aube, marchant sur les pas du prophète Mahomet, mais également d'Abraham, selon la tradition coranique.

« Nous venons de La Mecque. Nous avons fait à pied le trajet depuis la grande mosquée jusqu'à la vallée de Mina, puis nous avons pris le bus. Plus nous nous fatiguons, plus Dieu nous récompensera », affirme un Égyptien assis sur une natte avec des membres de sa famille.

D'autres pèlerins vêtus d'un tissu blanc non cousu grimpent les escaliers glissants en pierre conduisant au sommet du mont de la Miséricorde, certains priant en pleurant d'émotion.

C'est au pied de ce mont que le prophète Mahomet a prononcé deux mois avant sa mort le « discours de l'adieu ».

À l'aide d'un haut-parleur, un imam répète aux fidèles : « Ni le Prophète ni ses compagnons n'ont jamais grimpé sur cette colline. Je vous prie, ne l'escaladez pas ». Par le passé, de nombreux pèlerins ont glissé en tentant d'escalader ce mont ou sont morts dans des bousculades.

Aucun incident majeur n'a été signalé jusqu'à présent dans les lieux saints où plus de 100 000 membres des forces de l'ordre étaient mobilisés pour assurer le déroulement dans le calme du pèlerinage.

Le gouverneur de La Mecque, le prince Khaled Al-Fayçal, a déclaré que plus de 1,75 million de pèlerins « de 189 nationalités » étaient arrivés de l'étranger, mais n'a pas fourni de chiffres sur le nombre des pèlerins venus de l'intérieur du pays, estimés généralement à environ 700 000.

Au coucher du soleil, les pèlerins doivent se rendre à Muzdalifah, où ils doivent ramasser des cailloux pour la lapidation de Satan, l'un des rituels qui commencent vendredi, au premier jour de l'Aïd al-Adha, ou fête du sacrifice.

Le hajj est l'un des cinq piliers de l'islam que tout fidèle est censé accomplir au moins une fois dans sa vie s'il en a les moyens.