Depuis le début du mois d'août, neuf attaques contre les soldats américains ou de l'OTAN ont été commises en Afghanistan par des soldats ou policiers afghans. Le phénomène inquiète les militaires. Les soldats américains doivent maintenant garder leurs armes sur eux en tout temps dans leur base quand ils côtoient des Afghans.

La situation rappelle l'expérience soviétique en Afghanistan, selon Gregory Feifer, un correspondant de longue date en Russie qui a publié en 2009 un livre sur le sujet intitulé The Great Gamble. «Ç'a été un problème important pour les troupes soviétiques, dit M. Feifer. Ça a joué un rôle dans leur décision de retirer leurs troupes à partir de 1985.»

Le phénomène empire. Ces attaques sont passées de 2% des morts de soldats occidentaux en 2009 à 14% cette année. Pourquoi? «Dans les années 80, c'était un signe de l'infiltration croissante de l'armée du gouvernement communiste afghan par les opposants mujahideens, dit M. Feifer. Il était perçu comme affaibli. À mon avis, le même phénomène joue maintenant. Les pays de l'OTAN et les États-Unis veulent ramener leurs troupes à la maison et les Afghans savent que les talibans ont de beaux jours devant eux.»

Ces attaques expliquent la décision de la France de retirer ses troupes de l'Afghanistan, estime le groupe de réflexion Center for an New American Security. De nombreuses lettres de citoyens indignés ont été envoyées aux journaux aux États-Unis, tout comme en Angleterre en juillet quand un policier afghan a tué trois conseillers britanniques.

L'armée canadienne, de son côté, minimise le problème. En entrevue avec La Presse Canadienne, le numéro deux du contingent canadien en Afghanistan, le colonel Greg Smith, a indiqué que le «sens de l'humour bien connu» et «l'auto-ironie» des Canadiens les rend moins envahissants aux yeux des Afghans. À Ottawa, la capitaine Jennifer Stadnyk, du service des communications de l'armée, a indiqué à La Presse que les efforts des soldats canadiens pour «comprendre les particularités culturelles réduisent le risque de griefs et de malentendus». Les soldats canadiens n'ont pas reçu l'ordre de porter leurs armes en tout temps dans leurs bases.

Comment les Soviétiques ont-ils réagi à ces trahisons à l'époque? «Ils n'étaient pas surpris outre mesure, dit M. Feifer. Ils étaient habitués aux trahisons de leurs alliés dans le Caucase et l'Asie centrale, depuis 150 ans.»

L'expérience soviétique permet-elle d'envisager une manière de réduire ces attaques de faux alliés? «Elles ont diminué quand l'URSS s'est entendue avec les mujahideens pour ne plus les attaquer. C'est une des principales leçons de la retraite soviétique: ils l'ont bien planifiée, pour ne pas laisser ni leurs opposants moudjahiddins ni leurs alliés communistes dans l'incertitude. Ils en ont négocié chaque aspect. Évidemment, les moudjahiddins étaient peut-être des interlocuteurs plus faciles que les talibans.»