L'arrestation d'un religieux, virulent critique des autorités, dans l'est de l'Arabie saoudite, a relancé la contestation de la minorité chiite saoudienne, une première manifestation faisant deux morts.    

Nimr Baqer al-Nimr, 53 ans, a été arrêté lors d'une opération mouvementée dimanche à Awamiya, foyer de la contestation chiite, pendant laquelle il a été blessé à la jambe, selon le ministère de l'Intérieur saoudien.

« L'un des instigateurs de la sédition, Nimr Baqer al-Nimr, a été arrêté à Awamiya, après avoir été blessé en opposant une résistance aux forces de sécurité », a déclaré le porte-parole du ministère, le général Mansour Turki.

Des dizaines de partisans du cheikh chiite ont manifesté dans la nuit. Les marches ont vite dégénéré en heurts avec les forces de l'ordre, faisant deux morts, Akhbar Chakouri et Mohammed Filfel, et une dizaine de blessés, selon des militants.

Dans un prêche récent dans une mosquée d'Awamiya, ce religieux s'est dit certain qu'il serait arrêté ou tué, en affirmant que cela « avivera les revendications » de ses partisans.

Les appels à de nouvelles manifestations ont été lancés sur les réseaux sociaux par les partisans de Nimr Baqer al-Nimr, qui se distingue par ses attaques frontales contre la monarchie sunnite des Al-Saoud.

Ce religieux, qui avait été arrêté à plusieurs reprises ces dernières années, est allé jusqu'à se réjouir, dans l'un de ses prêches, de la disparition du prince héritier Nayef ben Abdel Aziz, décédé le 16 juin, et qui avait été longtemps ministre de l'Intérieur.

De petits groupes de chiites, qui tenaient le prince Nayef pour responsable de la répression de leur mouvement de contestation, ont célébré sa disparition par des feux d'artifice, selon des images mises en ligne sur les réseaux sociaux.

Nimr prône la solidarité entre chiites d'Arabie et de Bahreïn

En 2009, Nimr Baqer al-Nimr, avait prôné la scission des régions chiites de Qatif et d'Al-Hassa qui forment l'essentiel de la province orientale saoudienne et leur unification avec le royaume proche de Bahreïn, également à majorité chiite, ce qui avait enragé les autorités de Riyad.

L'est de l'Arabie, riche en pétrole et où se concentre l'essentiel des deux millions de chiites saoudiens, s'est vite solidarisé avec la contestation des Bahreïnis lancée en mars 2011 dans le sillage du Printemps arabe.

Les manifestants avaient protesté contre l'aide-militaire apportée par l'Arabie saoudite à la dynastie sunnite au pouvoir à Bahreïn dans la répression de la contestation menée par des chiites de ce pays.

Ces troubles ont pris une tournure violente à l'automne 2011, et neuf personnes ont été tuées depuis dans les violences, y compris les deux manifestants tués dans la nuit de dimanche à lundi.

Les chiites saoudiens s'estiment en outre discriminés et réclament l'égalité de traitement en matière d'emploi et de prestations sociales avec les sunnites, majoritaires dans le royaume.

Les autorités considèrent ces troubles comme un « nouveau terrorisme » qu'elles « vont affronter comme elles l'ont fait auparavant » avec Al-Qaïda.

Le général Turki a répété dimanche que les autorités ne feraient preuve d'« aucune tolérance à l'égard de ceux qui incitent à la sédition et qui sont devenus des instruments aux mains des ennemis de la nation », une allusion à l'Iran que Riyad soupçonne d'encourager en sous-main la contestation des chiites.

L'arrestation de Nimr Baqer al-Nimr a coïncidé avec une rencontre à Jeddah (ouest) des ministres saoudien et bahreïni de l'Intérieur qui ont insisté sur « la nécessaire coordination et coopération » entre leurs pays.