Le droit à une presse plutôt libre, âprement gagné en Afghanistan après trois décennies de conflit, est mis en péril par un projet de loi contraignant, ce que l'organisation Human Rights Watch analyse comme une concession faite aux musulmans conservateurs avant le départ des troupes de l'OTAN fin 2014.        

« La liberté de la presse a été l'une des success-stories les plus importantes depuis 2001 » et l'arrivée de la coalition de l'OTAN, qui a chassé du pouvoir les talibans obscurantistes, qui y avaient accédé en 1996, a remarqué mardi Brad Adams, le directeur pour l'Asie de Human Rights Watch (HRW, organisation de défense des droits de l'homme dont le siège est à New York).

« Le gouvernement afghan devrait agir pour conforter cette avancée et ne pas tenter d'apaiser les forces hostiles à la liberté d'expression », a-t-il dénoncé, appelant Kaboul à retirer le projet de loi, dont des copies ont circulé avant sa présentation au Parlement.

Ce projet, qui serait amené à remplacer une loi sur les médias votée en 2009, limite la liberté d'expression et accroît le contrôle gouvernemental, selon HRW.

La diffusion de programmes étrangers serait ainsi restreinte et des sanctions prévues pour une longue liste de violations commises par les médias, de même source. Le gouvernement aurait même le droit de contrôler l'utilisation de certains mots.

« Les journalistes afghans ont courageusement placé le gouvernement devant ses responsabilités sur des enjeux cruciaux comme la corruption ou les droits de l'homme. (Le président Hamid) Karzaï devrait ouvertement s'opposer à toute législation limitant la liberté de la presse », a affirmé M. Adams.

Le ministère de l'Information et de la Culture, à l'origine du projet, a indiqué qu'il prendrait en compte tout « avis appréciable » avant sa finalisation.

« Nous rassemblerons toutes les opinions, les étudierons et prendrons assurément en compte les avis intéressants quand nous réviserons le projet », a déclaré à l'AFP Delawar Nazirzoi, conseiller du ministère.

La société civile afghane accuse depuis des mois les autorités de mener un double jeu, s'engageant officiellement pour la cause des droits de l'homme, notamment de la femme, tout en cédant officieusement aux exigences des extrémistes, alors que s'annonce le retrait des troupes étrangères fin 2014.